« Ecouter et oser pour ouvrir le champ des possibles»

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Rencontre avec Bénédicte Javelot, directrice de la stratégie d’Orange

Bonjour Bénédicte, pouvez-vous nous raconter votre parcours, et comment au cours de celui-ci, vous avez construit une vision de l’égalité entre les femmes et les hommes ?

Bénédicte Javelot : Je suis issue d’une famille d’ingénieurs et j’ai eu la chance d’avoir un père qui m’a toujours dit que les femmes étaient aussi capables et intelligentes que les hommes, ce qui m’a permis de grandir avec le sentiment que tout était possible.

Ma première aspiration était de devenir pilote de chasse. En terminale C, au moment de l’inscription en prépa aux écoles militaires, j’ai commencé à cerner le problème, quand on m’a dit « les femmes ne sont pas pilotes de chasse, au mieux, elles pilotent un hélicoptère! ». Cela a directement influencé mon choix de rejoindre une prépa scientifique « normale » pour élargir le champ des possibles à d’autres domaines.

 

Une fois votre diplôme en poche, dans quel secteur vous orientez-vous et pourquoi ?

Bénédicte Javelot : Je choisis les télécoms car, au moment où j’entre sur le marché du travail, le secteur vit de profondes dynamiques de transformation : il y a le contexte d’ouverture à la concurrence en France, les innovations technologiques… C’est un secteur très attrayant. J’entre chez France Telecom, l’opérateur historique que je quitte au bout de 18 mois pour rejoindre un acteur en devenir, Kertel (ndlr : un opérateur français de cartes prépayées ), dans une fonction technique puis d’encadrement.

Au moment où la société est rachetée et que la question de partir ou rester se pose, se présente à moi l’opportunité de monter une start-up de streaming vidéo avec trois associés. J’ai adoré l’aventure entrepreneuriale que j’ai stoppée après l’éclatement de la bulle Internet, faute de moyens.

C’est alors que j’ai rejoint Orange en 2003, à la direction technique.

 

Comment se déroule votre carrière chez Orange ?

Bénédicte Javelot : Après 4 ans à la direction technique en tant que cheffe de projet puis responsable des services de paiement en ligne, on me confie de nouvelles responsabilités au travers d’une mobilité vers l’unité d’affaires du Wholesale (ndlr : l’unté en charge du « marché de gros » qui interagit essentiellement avec les opérateurs). J’y découvre un nouveau monde, cette fois-ci orienté business et négociations. J’apprends de nouvelles méthodes de travail et je progresse en responsabilités pour devenir Directrice des Partenariats.

C’est dans le cadre de ce poste que je me vois confier notamment la négociation du fameux contrat d’itinérance avec Iliad, lequel brisait pas mal de tabous… J’ai mené ces négociations en même temps que ma seconde grossesse et cela n’a pas été un frein pour qu’on me confie de nouvelles responsabilités. En 2014, j’ai pris la direction de la Stratégie du Groupe Orange.

A vos yeux, quelles ont été les clés de cette progression ?

Bénédicte Javelot : Mon expérience au Wholesale, en tant que directrice des partenariats m’a permis d’apprendre la puissance de la négociation et l’esprit partenarial. En négociation, il faut écouter l’autre, oser demander, et ne jamais faire la réponse à la place de l’autre car l’horizon des possibles est toujours plus vaste qu’on ne le soupçonne. La négociation vous apprend aussi à définir et poser vos limites et à savoir sortir de la table des négociations quand elles sont atteintes. Je crois d’ailleurs qu’on n’est jamais aussi fort.e que quand on est prêt.e à le faire !

Ensuite, en devenant cadre dirigeante – et maman ! — en 2009, j’ai dû mieux gérer mon temps et mon énergie, et apprendre à aller à l’essentiel ainsi qu’à bien m’entourer.
Dans cette progression il y a aussi les autres : c’est un véritable atout de pouvoir s’appuyer sur des personnes de confiance.
Je considère que mon rôle de manager est d’apporter à mes équipes du recul et de les faire grandir pour qu’elles atteignent toute leur dimension, voire la dépassent. Un de mes managers me disait d’ailleurs : « Il ne sert à rien d’aider les talents quand ils ont déjà réussi ! » .Cela m’a donné la conviction que je devais détecter et aider les talents qui m’entourent.

Joanna Barsh au séminaire EVE InternationalLe Programme EVE auquel j’ai participé en 2012 a conforté cet état d’esprit. J’ai été très marquée par les interventions de Nicole Abar, d’Ana Bella Estevez et de Joanna Barsh. Toutes à leur façon expriment une vision du leadership qui résonne en moi. Ce que Joanna Barsh exprime du « sponsoring » qui consiste à pousser l’autre dans son propre élan, en le soutenant avec bienveillance, est une règle d’or. On a fait ça pour moi, et c’est ce que je veux faire, à mon tour, avec mes équipes.

 

Est-ce que depuis EVE, vous vous sentez une sorte de mission de contribuer à accélérer l’agenda de l’empowerment et du leadership des femmes ?

Anne Thevenet EVEBénédicte Javelot : L’approche d’EVE centrée sur l’élargissement de l’univers des possibles, pour toutes et tous, m’a immédiatement convaincue.

Je suis désormais plus attentive à ce que l’on nomme des femmes à des postes à responsabilité et j’encourage mon entourage professionnel à avoir la même vigilance.

 

Etes-vous sensible aux arguments qui relient la mixité et la diversité à la performance?

Bénédicte Javelot : Qu’il y ait un lien entre mixité et performance me semble une évidence : nos clients sont autant des femmes que des hommes, confronter les points de vue permet d’atteindre une perception plus fine des marchés et des attentes ; et de façon plus générale, la vie est plus épanouissante quand il y a un bon équilibre des sexes, des âges, des cultures

Pour moi, ce dernier point est essentiel, au-delà du seul champ de l’entreprise : l’enjeu aujourd’hui, c’est de vivre mieux ensemble et l’équité femmes/hommes y contribue.

 

Propos recueillis par Marie Donzel. Avec la complicité de Karine Dana, Christelle Cloarec et Roxane Adle.

Edition : Elina Vandenbroucke.