Claire Bussac : « Avec les nouveaux usages des NTIC, les femmes peuvent avoir plus de visibilité et accès à davantage d’opportunités « 

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Quand nous avons décidé d’ouvrir un chantier de réflexion sur le leadership au féminin à l’ère du numérique, Barbara Bod, coordinatrice du blog EVE pour Crédit Agricole SA, a tout de suite pensé à Claire Bussac, Responsable Innovation & Technologies RH.

 

Nous sommes donc allé-es à la rencontre de cette femme au parcours atypique afin d’évoquer avec elle toutes les opportunités offertes par le numérique pour transformer les organisations, faire évoluer les méthodes de travail et les relations interpersonnelles dans la vie professionnelle… Et peut-être bien pour promouvoir indirectement l’égalité professionnelle et le leadership au féminin.

 

 

Programme EVE : Bonjour Claire. Vous êtes responsable Innovation & Technologies RH au sein de Crédit Agricole SA. Quel parcours conduit à une fonction comme celle-ci?

Claire Bussac : De formation ingénieur, j’ai fait le choix, dès les premières années de mon parcours professionnel, de m’orienter vers la Stratégie et le Marketing Clients. J’ai ainsi contribué au développement de la banque en ligne de LCL. J’ai complété mon savoir-faire Marketing par une expérience de trois ans au sein du service communication commerciale de Crédit Agricole Assurances. Puis, j’ai rejoint la direction des ressources humaines du Groupe pour accompagner les nouveaux usages digitaux au sein des RH.

Dans chacune de ces responsabilités, l’expertise sur les outils numériques m’a permis une plus grande efficacité sur l’analyse des attentes des clients, mais aussi sur l’importance d’anticiper les nouvelles pratiques offertes par les outils numériques et de les organiser. Tout au long de mon parcours, j’ai aussi acquis la conviction que pour bien comprendre les attentes de nos clients, nous devions porter une plus grande attention à aux besoins de nos collaborateurs..

En matière de technologie, c’est un vrai sujet : on peut se sentir vite « maltraité » par des innovations qui nous dépassent ou des outils que nous ne maîtrisons pas. Mon rôle aujourd’hui, c’est donc d’anticiper et d’accompagner les usages des NTIC qui impactent les RH et les collaborateurs et collaboratrices, de façon plus vaste.

 

 

Programme EVE : De quelle façon accompagnez-vous ces usages? 

Claire Bussac : Nous formons les collaborateurs et collaboratrices à l’utilisation raisonnée de ces outils, pour qu’ils et elles sachent y faire appel utilement, sans se sentir perdu-es.

Le courrier électronique est l’exemple le plus flagrant : il est évident pour tout le monde que l’e-mail est facilitant pour plein de choses, mais chacun-e sait aussi qu’il peut être envahissant ou générer des tensions particulières, de la pression, des incompréhensions dans les relations, voire, paradoxalement, de la déperdition d’information. Il faut apprendre à communiquer efficacement avec cet outil et avec tous les autres qu’engendrent les nouvelles technologies.

Actuellement, nous travaillons tout particulièrement au développement du travail collaboratif par la création de communautés en ligne et une réflexion approfondie sur le réseau social interne groupe

 

 

Programme EVE : Qu’attendez-vous de ce réseau social et de ces communautés en ligne?

Claire Bussac : Les communautés en ligne facilitent l’intégration, encouragent la coopération et la participation, elles décloisonnent, favorisent la transversalité, l’interdisciplinarité et la polyvalence. Elles permettent donc de gagner en convivialité et en efficacité.

Elles ont aussi un vrai rôle dans la mise en réseau des personnes, en simplifiant l’accès de chacun-e aux un-es et aux autres.

En ce sens, on peut dire que les NTIC participent à une forme de « ré-humanisation » du travail.

 

 

Programme EVE : Diriez-vous que pour les femmes en particulier, les NTIC élargissent le champ des opportunités de développement de carrière? 

Claire Bussac : On sait que les parcours professionnels se construisent en premier lieu sur les compétences et l’expérience puis, progressivement, il devient essentiel de se constituer un réseau et de le faire vivre. Or, pour s’entourer d’un réseau, il faut participer à « l’autre vie » de l’entreprise et du milieu professionnel, celle qui est plus informelle, celle qui ne se fait pas que pendant les heures de travail et pas que sur le lieu de travail. Le réseau, passe par l’échange convivial, les rencontres non programmées, les complicités voire les amitiés. Il est vrai que les femmes, à la fois très engagées dans le travail et traditionnellement confrontées à des problématiques de conciliation vie professionnelle/vie privée ont tendance à se priver de cette dimension de la vie active. Pas facile de trouver du temps pour un échange impromptu en fin de journée avec les collègues quand on doit libérer la nounou. Pas facile non plus de se libérer des culpabilités quand on prend du temps pour ce qui n’est pas strictement inscrit sur sa feuille de mission!

Les communautés en ligne créent de nouveaux espaces d’accès à l’entourage professionnel et à la vie informelle de l’entreprise. Les outils numériques participent aussi à décomplexer celles et ceux qui n’oseraient pas « déranger » quelqu’un dans son bureau, mais qui se sentent plus autorisé-es à communiquer en ligne, parce que ça leur apparait moins direct, moins offensif, moins importun, plus délicat.

En valorisant d’autres manières d’échanger, on peut libérer l’audace. Nous voulons aussi faire passer le message qu’on ne « dérange » pas forcément quand on fait appel à quelqu’un, mais qu’on lui donne le sentiment d’être utile, ce qui met dans de bonnes dispositions pour donner un coup de pouce (rire) ! On est souvent surpris-e, quand on adresse un message en ligne à quelqu’un qu’on n’aurait jamais osé appeler au téléphone ou aller voir dans son bureau, de s’apercevoir que non seulement la personne répond, mais que de surcroît, elle se montre le plus souvent ouverte.

 

 

Programme EVE : Alors, les communautés et les réseaux en ligne ont-ils le pouvoir de donner une plus grande confiance aux femmes?

Claire Bussac : Je crois sincèrement, oui, que ces réseaux peuvent participer à leur prise de confiance.

Confiance en elles, d’abord, parce qu’en apportant de la transparence, les réseaux sociaux et les communautés leur donnent de la visibilité et leur révèlent des opportunités, ils les mettent en situation de se faire connaître et reconnaître.

Je pense qu’ils peuvent aussi accroître leur confiance dans les autres : on sait que les femmes, ont tendance à vouloir tout faire elles-mêmes pour démontrer qu’elles sont compétentes et légitimes. Les mettre en réseau, avec d’autres femmes et aussi avec leurs collègues masculins, c’est les inciter à l’échange et l’entraide. C’est ce qui leur permettra, nous l’espérons, de ne plus attendre d’être à 120% des compétences attendues sur un poste avant d’y postuler : pouvoir compter sur son réseau, ça autorise à se lancer non pas là où on sera parfaitement auto-suffisant-e dès le premier jour, mais là où on a une belle marge de progression, en sachant qu’on pourra s’appuyer sur d’autres pour déployer son potentiel.

 

 

Propos recueillis par Marie Donzel