« Ne plus considérer comme un effort de faire leur juste place aux femmes »

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Rencontre avec Michel Mathieu, Directeur Général adjoint du Groupe Crédit Agricole S.A., en charge du pôle Filiales Banques de Proximité et du Pôle Fonctionnement et Transformation.

Parrain du réseau Potenti’Elles de Crédit Agricole S.A.

 

 

 

Eve le blog : Bonjour. Avant de parler de Potenti’Elles, nous voudrions parler de vous, de votre vision de l’entreprise et de la banque. Vous avez jeté un pavé dans la mare, l’an dernier, en publiant un essai, Nouvelles Banques,  qui défend une vision de la finance à mille lieux des clichés…

Michel Mathieu : J’ai écrit ce livre avant tout pour les collaborateurs et collaboratrices du Groupe. Pour réparer une injustice qui leur est faite à une époque où les banques sont pointées du doigt, pour ne pas dire carrément insultées, à longueur de journée dans les médias et jusque dans nos agences.

Rendez-vous compte de ce que ça signifie, pour un conseiller clientèle, c’est à dire quelqu’un.e qui ne vit pas comme un millionnaire, tant s’en faut, mais est une personne simple qui est quotidiennement au contact des personnes et des entreprises, à l’écoute de leurs projets, dans le désir sincère de les accompagner, d’être vu.e comme le loup de Wall Street ou comme une caricature de notable ventripotent qui fume le cigare pendant que l’argent des gens travaille. Nos conseiller-es sont des personnes normales, qui ont les mêmes problématiques, les mêmes questionnements et le même besoin de fierté que tout le monde. Je veux qu’on en finisse avec les préjugés sur les banquiers.

 

 

Eve le blog : Ce qui fait la particularité de votre livre, c’est qu’avant de défendre les banquiers, vous commencez par faire l’examen de conscience de la banque. Vous assumez les erreurs du monde de la finance, ces dernières années…

Michel Mathieu : Il faut dire la vérité, reconnaître quand on a fait des bêtises.

Oui, les banques n’ont pas été que vertueuses ces dernières années ; oui, il y a des raisons pour que la population soit choquée de certains faits qui ont été révélés. Ils ont été révélés parce que nous sommes entrés dans une ère de transparence et à mes yeux, c’est une très bonne chose. Cela nous oblige à dire ce que nous faisons et à faire ce que nous disons.

Je veux prendre le pari que l’économie sera plus éthique si elle est plus transparente. Mais il faut qu’en même temps que le grand public accède à l’information, qu’il soit aussi en mesure de la traiter et de l’analyser. Nous devons cela à la population : augmenter le niveau de culture de la finance pour que les gens puissent comprendre les choses et dialoguer avec leur banquier, au lieu de n’avoir que des stéréotypes et de la défiance à lui renvoyer.

 

 

Eve le blog : Cette posture d’honnêteté, certain.es vous l’ont reproché, il a été dit que vous faisiez part de vos « états d’âme ».  Que répondez-vous à cela ?

Michel Mathieu : Que le leadership est avant tout une question de simplicité et de franchise.

Bien sûr qu’un.e dirigeant.e doit inspirer confiance et manifester sa solidité aux collaborateurs et collaboratrices. Pour autant, je ne crois pas qu’on soit solide, et perçu comme tel, quand on reste dans sa tour d’ivoire à ne tenir que des discours convenus.

L’entreprise a un rôle à jouer pour rendre la société plus inclusive et plus fluide. Pour cela, le rôle des dirigeant.es est clé : c’est en étant eux-mêmes plus ouvert.es qu’ils/elles ré-ouvriront les voies de la confiance.

 

 

Eve le blog : Vous appelez de vos voeux une évolution du leadership. Pour vous, est-ce que la mixité en est un moteur ?

Michel Mathieu : Je m’étonne toujours qu’il faille trouver des motifs à la mixité. Ca ne devrait même pas être un sujet, femmes et hommes ont bien sûr les mêmes droits et il est évident que la mixité est nécessaire. Mais j’ai pleinement conscience que c’est encore un sujet, et pas des moindres. Il faut effectivement continuer à mener des politiques pour faire du principe d’égalité une réalité.

Alors, oui, nous avons des objectifs chiffrés de féminisation de l’entreprise et de ses dirigeant.es ; oui, nous devons agir pour attirer les talents féminins qui ne se projettent encore pas suffisamment dans les métiers de la finance ; oui, nous devons être vigilant.es, à chaque recrutement sur le fait que nous avons bien des profils de femmes parmi les candidatures ; et oui, nous devons offrir des programmes comme EVE pour renforcer la confiance en elles des femmes et faire tomber les réflexes d’auto-censure.

Tout cela, nous le faisons, parce que c’est nécessaire aujourd’hui et que la diversité des collaborateurs est un enrichissement et une force pour l’entreprise, mais j’aspire profondément à ce que vienne le jour où personne ne considérera comme un effort de faire leur juste place aux femmes.

 

 

Eve le blog : Parmi les actions que le Groupe Crédit Agricole S.A. conduit pour favoriser la mixité, il y a aussi le soutien au réseau Potenti’Elles. Qu’est-ce qui vous a décidé à en devenir le parrain officiel?

Michel Mathieu : Les femmes qui ont monté Potenti’Elles sont venues me voir et j’ai immédiatement été enchanté par leur proposition de monter un réseau, ouvert à toutes mais aussi à tous !… Et très flatté qu’elles me proposent d’en être le parrain. J’aime cette démarche de réseau, car nous, les hommes nous ne sommes pas là pour parler à leur place et leur dire ce qu’elles doivent faire.

Ensuite, en tant que dirigeant.es, notre rôle est d’entendre ce qu’elles ont à dire, sur leur situation et sur l’entreprise, et de soutenir la mise en œuvre de leurs projets.

Un réseau de femmes, c’est du lobbying, il n’y a pas de mal à cela, tout le monde a des intérêts et des valeurs à défendre. Je suis fier d’être, à travers Potenti’Elles, le sponsor de cette valeur-là, celle du principe de justice qu’est l’égalité entre les femmes et les hommes.

 

 

Eve le blog : Vous êtes manifestement un homme très engagé en faveur de l’égalité… Tous n’ont pas le même niveau de conscience du sujet ni forcément la même ferveur pour le faire avancer. Comment peut-on davantage engager les hommes, selon vous ?

Michel Mathieu : Je crois que beaucoup d’hommes ne savent pas comment se positionner sur ce sujet : le spectre de la guerre des sexes fait peur à certains ; d’autres craignent de tomber à côté en prenant la parole sur ce sujet…

Mais vous avez raison de souligner que pour la majorité, c’est une question de prise de conscience du sujet. Je pense qu’il faut donc forcer un peu les choses : il faut parler et encore parler d’égalité, il faut montrer des faits et ne pas transiger, même si ça doit créer un peu de friction, parfois, quand par exemple, nos objectifs de féminisation du leadership mettent concrètement les hommes en face de la réalité du partage du pouvoir… Pour tout cela, j’aime la façon de faire de Potenti’Elles car il y a une véritable intégrité, ce réseau agit de manière concrète pour favoriser cette prise de conscience et avec un esprit très constructif.

 

 

Propos recueillis par Marie Donzel et Véronique Schwimann (Potenti’Elles Crédit Agricole S.A.), pour le blog EVE. Avec la complicité de Clotilde Jardel (Groupe Crédit Agricole S.A.)