« Un Cercle Happy Men, c’est un lieu de montée en maturité des hommes sur les questions d’égalité »

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Rencontre avec Bernard Saison, Responsable Amélioration Continue, Performance Managériale et Innovation Salariés chez Orange Business Service et référent national du Programme Happy Men-Share More pour le Groupe Orange.

L’égalité n’est pas qu’une affaire de femmes ! Pour la faire progresser et surtout la rendre effective dans le quotidien concret de la vie de l’entreprise, Orange compte aussi sur les hommes.

Pour point d’ancrage de sa politique d’engagement des hommes, le Groupe a conclu il y a 3 ans un partenariat avec Happy Men, le programme fondé et développé par Antoine de Gabrielli.

En 2013, ils étaient une douzaine à constituer le premier Cercle Happy Men d’Orange, aujourd’hui ils sont plus de 100. Parmi les pionniers, Bernard Saison, à qui le blog EVE est allé poser quelques questions…

Eve le blog : Bonjour Bernard. En parallèle de vos fonctions chez Orange Business Service, vous êtes Coordinateur National pour Orange du Programme Happy-Men Share More. Quel a été le déclencheur de votre intérêt pour les questions de diversité et d’égalité? 

Bernard Saison : C’est tout simplement l’expérience de la vie, aussi bien professionnelle que personnelle, qui a été le déclencheur de mon engagement en faveur de l’égalité.

On part tous et toutes avec des idées assez arrêtées sur le sujet, qu’on a d’ailleurs tendance à voir comme un non-sujet, un problème des générations passées ou une question de valeurs que l’on a chevillées au cœur en pensant qu’il suffit d’être en faveur de l’égalité pour la rendre possible.

Cette posture ne résiste évidemment pas à la réalité : on constate que la société qui nous entoure ne correspond pas à la société de partage, de justice, d’équité dans laquelle on a envie de vivre. C’est très concret : on ne se satisfait pas de voir sa compagne discriminée, de craindre que ses fils et filles n’aient pas les mêmes chances dans la vie, d’observer qu’une collègue compétente se heurte à plus de difficultés qu’un homme pour progresser…

 

Eve le blog : Vous évoquez l’engagement de l’homme que vous êtes comme quelque chose d’assez naturel. Pourtant, aux yeux de beaucoup, ça reste une idée assez contre-intuitive qu’un homme prenne ce parti…

Bernard Saison : La prise de position en faveur de l’égalité ne me paraît pas quelque chose de très difficile pour un homme aujourd’hui. Mais il y a un delta entre la sensibilisation affichée au sujet et la participation au combat pour l’égalité effective.

Il ne faut pas interpréter cela comme de l’hypocrisie, mais comprendre que d’une part, l’égalité réelle, c’est bien plus challengeant qu’on le pense a priori (ça renvoie à notre culture, à notre éducation, à nos habitudes, à certaines de nos certitudes de bien faire…) et d’autre part que, quand on est un homme, on manque en quelque sorte d’un cadre pour participer à ce combat, qui a principalement été mené par les femmes au cours des dernières décennies.

Le premier apport d’Happy Men, c’est d’avoir apporté ce cadre. En posant le principe, au moins dans un premier temps, de la non-mixité, ce cadre permet une vraie libération de la parole : les hommes peuvent partager leur expérience, leurs sentiments, leurs opinions sur l’égalité sans crainte de gaffer et sans s’obliger non plus aux discours convenus qu’ils pourraient être tentés de tenir dans une assemblée où il y aurait des femmes. Un cercle Happy Men, c’est un lieu pour monter en maturité sur l’égalité à travers l’échange. Avant d’aller à la rencontre d’autres réseaux, comme nous le faisons maintenant régulièrement en co-organisant des événements mixité avec les réseaux œuvrant pour l’égalité professionnelle dans le groupe mais aussi à l’extérieur de l’entreprise.

Eve le blog: Un axe fort de la démarche Happy Men est l’idée que les hommes auraient intérêt à l’égalité. Vous sentez-vous personnellement touché par cet argument?

Bernard Saison : L’argument de l’intérêt des hommes à l’égalité fait l’objet de certaines critiques, on le soupçonne notamment d’autoriser une certaine « égalité à la carte« , les hommes pouvant être tentés de faire le choix de ce qui les arrange dans l’égalité et laissant de côté ce qui les place dans un trop grand inconfort.

Je pense néanmoins que c’est une excellente porte d’entrée : l’histoire du combat pour l’égalité, porté principalement par les femmes (et il faut les en remercier), fait que lorsque l’on aborde frontalement le sujet, on provoque des réactions contre-productives chez les hommes. Certains se braquent, d’autres entrent dans l’auto-culpabilisation.

Il est très habile de prendre une voie détournée, comme le fait Happy Men, pour les faire entrer dans l’action. Commencer par leur dire qu’ils seront de meilleurs managers, des conjoints et des pères plus équilibrés, c’est leur donner un accès au questionnement sur ce qu’ils sont, en tant qu’hommes. C’est leur permettre de se rendre compte par eux-mêmes que la situation des relations femmes/hommes, mais aussi des relations entre hommes, n’est pas satisfaisante.

Eve le blog : Il se dit, au sujet des hommes, qu’ils sont confrontés à une sorte de plancher de verre, c’est à dire qu’ils subissent une forte pression qui leur interdit de ne pas réussir. Etre winner ou rien, pensez-vous que ce soit un motif d’anxiété ou de souffrance pour les hommes ? 

Bernard Saison : Je crois que le poids de notre culture fait que l’on demande aux hommes de jouer des rôles, notamment au travail : il faut se montrer assuré et déterminé, ne pas briser l’armure, ne pas montrer ses émotions… Or, les hommes sont comme les femmes, ils sont une et même personne tout au long de la journée, tout en ayant des moments de vie diversifiés.

Les femmes ont amené, dans le monde du travail, une sorte de lucidité sur le fait que nous sommes des personnes entières, qui avons des préoccupations multiples, des priorités qui varient selon les temps de la journée. Elles ont convaincu les entreprises que pour bénéficier de leurs compétences, il faudrait prendre en compte non seulement leurs contraintes de vie personnelle mais aussi leur personnalité ou leur style, quitte à remettre en cause leurs critères de légitimité.

La bataille n’est pas gagnée pour elles car la vision classique et dite masculine du leadership s’exerce encore ; mais le fait que les hommes rejoignent les mêmes aspirations, commencent à exprimer le même besoin d’être soi-même est un bon signal pour l’égalité. On peut espérer une sorte d’alliance entre des femmes et des hommes qui ont envie de réussir, mais pas à n’importe quel prix.

Eve le blog : Pour finir, faisons un point sur l’action Happy Men chez Orange. Comment le réseau est organisé ? Combien de membres l’ont rejoint ? Quels sont vos axes de travail ?   

Bernard Saison : Nous avons lancé Happy Men chez Orange en 2013. Au départ, nous étions une douzaine et nous sommes partis d’un double principe : réunir des managers, ayant notamment la main sur le recrutement, l’organisation du travail et les évolutions des carrières, et nommer deux référents par Cercle chargés d’organiser la vie du réseau et de faire le lien avec les autres acteurs de l’égalité en interne (la Direction Générale, la Direction Diversité et les réseaux d’Innov’Elles), et en externe (les Cercles Happy Men d’autres entreprises, en particulier).

Depuis fin 2014 les hommes du groupe qui ne sont pas en situation de management peuvent aussi rejoindre le programme et participer aux réunions des Cercles. Aujourd’hui, nous avons une douzaine de Cercles répartis sur toute la France et avons franchi à la fin de l’année dernière le seuil de 100 membres. Nous avons ouvert en début d’année une communauté des Happy Men d’Orange ouverte à toutes et à tous sur Plazza, le réseau social interne du groupe.

Propos recueillis par Marie Donzel, pour le blog EVE.

Avec la complicité de Laurent Depond, VP Diversité & Inclusion d’Orange, Roxane Adle, Directrice Egalité professionnelle d’Orange et Christelle Cloarec, Responsable Communication et Diversité d’Orange.