En débat : les nouvelles générations sont-elles plus égalitaires ?

Eve, Le Blog Dernières contributions, Egalité professionnelle

Selon le dernier rapport du Haut Conseil à l’Égalité entre les Femmes et les Hommes présidé par Brigitte Grésy (ndlr : intervenante à EVE), 80% des 18-30 ans estiment que leur génération est moins sexiste que les précédentes.

La rédaction du wemagazine EVE a enquêté pour savoir si les jeunes sont effectivement plus égalitaires que leurs aîné·e·s…

Égalité professionnelle : un tournant dans les mentalités

L’égalité salariale, un enjeu de marque employeur

L’étude Glassdoor 2016 sur l’attractivité des employeurs révèle que plus de 80% des jeunes diplômé·e·s n’ont pas envie de rejoindre une entreprise qui ne garantit pas l’égalité salariale.

Une réticence confirmée par le rapport ADP The Workforce view in Europe 2019 qui énonce que 75% des Millenials seraient prêts à quitter leur travail si leur employeur n’accordait pas un salaire égal aux hommes et aux femmes.

La question des écarts de rémunération se heurte néanmoins à la permanence d’une forme d’autocensure des femmes dans l’expression des « prétentions salariales » : les jeunes diplômées demandent 15% de moins que leurs camarades masculins sortis des mêmes formations… Et elles ne sont qu’une sur huit à négocier les conditions d’embauche contre un jeune recruté sur deux.

Le déni du plafond de verre ?

Si le principe d’égalité salariale est une valeur pour les jeunes générations, le plafond de verre semble ne pas être un motif d’inquiétude. 51% des femmes de la GenY se disent confiantes quant au fait qu’elles pourront atteindre les fonctions les plus élevées dans l’organisation où elles travaillent.

Pourtant, la récente étude Cereq sur les jeunes managers met en évidence qu’à diplôme égal et secteur équivalent, les femmes sont moins nombreuses à être embauchées au statut cadre (36%) que les hommes (40%) et surtout qu’après 7 ans d’activité professionnelle, elles ont de moindres responsabilités (48% à coordonner une équipe d’au moins dix personnes contre 55% des hommes).

Malgré ces indicateurs qui révèlent une persistance du plafond verre, seulement 10% de la génération Y considère que l’égalité de genre reste un combat à mener, selon les résultats d’une étude Mazars/Women’Up. Est-ce que la flamme sera réanimée quand les bébés arriveront dans les foyers ? Passons au paragraphe suivant pour le savoir…

La conciliation des temps de vie, oui… Mais le partage des responsabilités domestiques et familiales ?

Flexibilité ou porosité ?

C’est désormais lapalissade : l’équilibre vie pro/vie perso est un souci de premier plan pour les jeunes générations. Le baromètre Domplus/BVA 2019 sur les préoccupations des moins de 35 ans en matière d’emploi confirme que 60% de cette catégorie d’âge attend de l’entreprise qu’elle propose des mesures d’articulation des temps de vie. Toutefois, cette même étude met en évidence un possible piège : la porosité croissante des espaces-temps de l’existence : 47% des jeunes salarié·e·s effectuent des tâches professionnelles en dehors du temps et du lieu de travail.

Une flexibilité appréciable pour les individus… Mais une tendance qu’il faut prendre en compte dans l’évaluation du partage des responsabilités domestiques et familiales. La récente étude de la DARES sur les pratiques de télétravail montre que femmes et hommes, à situation professionnelle équivalente, y recourent dans les mêmes proportions au global, mais que des écarts s’installent à l’arrivée du premier enfant : les femmes sont alors deux fois plus nombreuses que les hommes à être des « télétravailleurs intensifs ». Le télétravail des jeunes mères serait-il en passe de devenir le nouveau « temps partiel » ? Avec ce que cela représente d’avancées (au moins, elles sont payées 100% de leur salaire, ce qui n’est pas le cas de celles qui sont aux 4/5è ou 3/5è) mais aussi de risques pour la progression de carrière, quand l’employeur regarde plus ou moins inconsciemment le télétravail des femmes avec enfant comme un signe de moindre engagement.

Plus de flexibilité au travail, plus de boulot à la maison

Le réseau Ada (nommé ainsi en hommage à la première programmatrice de l’histoire de l’informatique : Ada Lovelace) qui compile les données sur les effets de la transformation numérique sur la condition des femmes bat en brèche le soupçon larvé que les télétravailleuses ayant des enfants en bas âge seraient moins engagées ou moins productives que les hommes dans la même situation.

En revanche, il alerte sur le fait que le temps consacré aux tâches domestiques est supérieur chez les télétravailleuses régulières que chez les femmes qui ne font appel qu’occasionnellement au télétravail. Ce que confirme l’étude “Mothers & work-life balance: exploring the contradictions & complexities involved in work-family negotiation”. Les politiques d’articulation des temps de vie ont un effet « pause machine à laver » (plutôt que pause-café avec les collègues) sensiblement plus fort pour les femmes que pour les hommes. De la même façon que les mesures de restriction des réunions aux horaires matinaux ou tardifs ne soldent pas la problématique de la moindre disponibilité des femmes pour les temps de « networking » et les moments de la vie professionnelle informelle au cours desquels se diffuse une partie de l’information à l’accès aux opportunités. Les jeunes mères, même d’aujourd’hui, rentrent ventre à terre libérer la/le baby-sitter en fin de journée quand les jeunes pères (s’) accordent en moyenne plus de temps pour réseauter et tisser des relations qui pourraient s’avérer utiles dans la poursuite de leur carrière.

La génération Z enterrera-t-elle la « double journée » ?

Comme la vérité sort de la bouche des enfants, un sondage Ipsos-Ariel de 2019 synthétise les déclarations des 8-16 ans sur le partage des tâches à la maison : 60% remarquent que maman en fait plus que papa et un garçon sur deux né après 2003 verrait bien les choses s’organiser de la même façon quand il se mettra en ménage ! L’étude montre aussi que les petites filles aident plus souvent leurs parents à la maison que leurs frères. L’habituation précoce des filles à la fonction de ménagère reste une triste réalité.

Ce n’est donc pas encore gagné, même si un point positif est à signaler : presqu’aucune fillette ne se projette aujourd’hui dans le métier de « femme au foyer ». La banalisation du travail des femmes porte ses fruits en ce qui concerne la généralisation de l’aspiration à l’autonomie financière. Il n’y a plus qu’à (si l’on peut dire) démontrer par l’exemple aux enfants d’aujourd’hui qui sont les adultes et les parents de demain que la « double journée » des femmes n’est pas une fatalité. Et si ce soir, mesdames vous vous mettiez les pieds sous la table ? C’est pour le bien des enfants !

 

Marie Donzel, pour le webmagazine EVE