Etude : le sexisme en liberté dans le numérique… et plus particulièrement sur YouTube

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Ce n’est pas nouveau : femmes et hommes ne sont pas égaux face à la représentation numérique. En revanche, est-ce qu’une telle dégradation de la situation était à prévoir ces dernières années ? Malheureusement, le déclin de l’égalité femmes-hommes à l’écran est bel et bien une réalité, en témoigne un rapport « Numérique : le sexisme en liberté – La représentation des femmes dans les vidéos les plus vues sur Youtube » sur la période 2019/2020.

Si l’on va droit au but, ou à sa conclusion, l’étude brosse un tableau plutôt inquiétant de la place des femmes dans le numérique, et plus particulièrement sur YouTube, « la plateforme la plus consultée chez les 15-24 ans et la deuxième plus consultée, tout âge confondu, en France », d’après Médiatrie.

Ainsi, tout d’abord, on constate une sous-représentation des femmes par rapport à leurs homologues masculins sur ladite plateforme : 62,1% des premiers rôles sont masculins, contre 16,2% de premiers rôles féminins. De plus, sur les quatre vidéos classifiées en catégorie « humour », aucune femme n’occupe le rôle principal, tandis que les femmes ont le rôle principal dans 57% des vidéos classifiées comme « tutoriel », et dans 25% des vidéos « contenu personnel » et pour 16,67% des vidéos « musique ». Enfin, dans les vidéos qui mettent en scène des rôles secondaires inactifs ou esthétiques, 28,6% étaient des femmes, 46,9% étaient mixtes et 22,4 % étaient des hommes.

Mais ce n’est pas tout : l’étude soulève un autre problème majeur, qui est celui des stéréotypes – « des automatismes cognitifs qui entraînent une caractérisation et donc potentiellement une stigmatisation » -, à s’avoir qu’en moyenne, « 68,2% des contenus étudiés présentaient un contenu stéréotypé », une hausse de plus de 10% des stéréotypes genrés » entre 2019 et 2020. Le tout, en sachant que 61% des contenus présentaient des stéréotypes masculins, associés à des caractéristiques positives, là où les stéréotypes féminins étaient associés à des caractéristiques connotées négativement. Plus concrètement, « l’hyper-viril », « le protecteur » et « le macho » sont les trois stéréotypes les plus fréquents pour les personnages masculins, tandis que « la sentimentale », « la poupée », « la séductrice » et « la vénale » sont les quatre stéréotypes les plus fréquents pour les personnages féminins.

En plus d’être stéréotypés, les personnages féminines sont bien souvent réifiés et sexualisés, et lorsque les vidéos observées par l’étude mettaient un homme et une femme en scène, 38,8% des rapports observés sur la période étaient des rapports de séduction entre des personnages masculins et féminins, 4,4% des rapports observés étaient des rapports de soumission et 14% des rapports observés étaient des « rapports conjugaux stéréotypés » « mettant en jeu tout à la fois une attitude maternante de la part de la femme et une attitude dominante de la part de l’homme »… mais ce n’est pas tout, puisque dans les vidéos observées sur la période, 18,6% des vidéos « proposaient des propos violents et/ou à caractère sexuel ou sexiste. »

Résultat, alors qu’une étude du CSA qui se concentrait sur la période 2017/2018, soulignait le fait que « 15,5% des vidéos présentaient une image dégradante des femmes », ce pourcentage passe à 34,7% sur la période 2019/2020. Il faut savoir que les confinements nationaux successifs n’y sont pas pour rien : d’abord, on a constaté « une augmentation de 400% des appels reçus par la plateforme du 3919 » – dédiée aux violences conjugales – d’après la MIPROF et ensuite, la consommation numérique des Français·e·s a aussi considérablement  augmenté durant cette période, d’après le DEPS.

Loin de se contenter de soulever ces données effrayantes, les autrices de l’étude nous proposent des leviers à actionner pour un futur meilleur, tels que l’amendement à la lois du 30 septembre 1986 sur la communication audiovisuelle – en intégrant l’image des femmes sur internet à la régulation du CSA -, l’éga-conditionnalité pour les œuvres diffusées sur Internet – en privant de financement les œuvres véhiculant des images trop dégradantes pour les femmes -, la mise en place d’une charte de bonne conduite pour les plateformes, et enfin l’autorégulation des GAFAM (ce sont les géants du Web : Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft). Il ne nous reste alors « plus qu’à » agir.