L’amitié femmes/hommes, on en parle ?

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Le 30 juillet, c’est la journée internationale de l’amitié.

Tiens, tiens, c’est quoi « l’amitié » ? On va demander à notre moteur de recherche préféré. Immédiatement, celui-ci nous propose parmi les requêtes les plus courantes « amitié femme homme impossible » « amitié homme femme existe-t-elle ? ». Allons bon, la question serait encore d’actualité ?

L’amitié, un amour « sans » ?

Voici une définition générale de l’amitié : sentiment réciproque d’affection et de sympathie qui ne se fonde ni sur la parenté ni sur l’attirance sexuelle. L’amitié, ce serait donc de l’amour sans projet de couple/famille et sans arrière-pensée coquine.

A priori, vu que la majorité des relations que nous entretenons dans l’existence ne visent pas de tels objectifs, rien ne s’oppose à ce que femmes comme hommes nous entretenions des amitiés les un·e·s avec les autres. D’autant plus que si le rapport amoureux induit souvent l’exclusivité, la relation amicale est ouverte à la multiplicité.

Mais… Mais… Mais… Il paraitrait que dès lors qu’une femme et un homme entrent en relation, c’est « ambigu ».

Qu’en dit la science ?

Bon, qu’en dit la science ? Parce que oui, la science s’est penchée sur le problème des amitiés intersexes, et pas qu’une fois.

En 1974, les psys Maccoby et Jacklin font paraître des travaux sur la différence des sexes dans lesquels est posé le principe d’une séparation des filles et des garçons dans l’enfance. Selon elles, les deux sexes ne se rencontreront vraiment qu’à la puberté, quand le chatouillis hormonal les portera à l’exercice du rapport de séduction. Dans cette perspective, on peut dire que la relation femme/homme est effectivement polarisée autour de la possibilité de la sexualité. Mais les conclusions de Maccoby & Jacklin ne sont pas corroborées par des recherches en biologie humaine qui prouveraient de façon ferme et définitive que la sexualité préside à toute forme de relations entre femmes et hommes.

La biologie a néanmoins mis en évidence que les ami·e·s partagent non seulement des centres d’intérêt mais aussi un certain nombre de traits physiques et physiologiques mais aussi des gènes ! En d’autres termes, vous avez plus de chances d’avoir naturellement des bouts d’ADN en commun avec votre pote que de l’attirance sexuelle pour lui/elle.

Qu’en pensent les humain·e·s ?

Le mieux pour savoir, c’est de demander aux premier·e·s intéressé·e·s.

Comment femmes et hommes voient-ils/elles la possibilité de leur amitié ? Eh bien, pas de la même façon, nous dit une étude de l’Université du Wisconsin : les hommes sont deux fois plus nombreux que les femmes à considérer les signes d’attention, d’affection et de tendresse en amitié comme des « ouvertures » pour une relation sexuelle. En revanche, les femmes sont plus promptes à préférer copiner entre nanas que les hommes entre eux : quand 28% des hommes se déclarent ouverts à une amitié intersexuelle, seulement 17% des femmes s’y risquent. L’écart se creuse encore si l’on considère la population des personnes en couple : moins d’une femme maquée sur 10 s’autorise à avoir des amitiés masculines quand plus d’un homme sur 4 dans la même situation conjugale se permet des amitiés féminines.

Mutations générationnelles

Mais le rapport à l’amitié femme/homme évolue sensiblement d’une génération sur l’autre. S’il y a 40 ans, les jeunes hommes déclaraient n’avoir pas ou quasiment pas d’amie fille, ils sont aujourd’hui plus de 30% à se sentir aussi bien ou mieux en amitié avec une femme qu’avec un homme.

Et puis femmes comme hommes d’aujourd’hui ne font plus tout un plat de l’ambiguïté. Tandis que l’on parle de « sex friends » pour évoquer les amitiés infusées de rapports sexuels et la « friendzone » pour parler des rapports de séduction qui tournent au rapport amoureux déséquilibré, la psychanalyse experte des relations amoureuses Sophie Cadalen invoque le concept brésilien d’ « amitié colorée ». Il s’agit d’amitiés câlines, où le langage des corps est permis pour se manifester de la tendresse, du soutien, de la proximité… Bref, pour vivre pleinement l’intimité.

Une question hétéronormée

Cette évolution est aussi favorisée par la contestation de l’hétéronormativité. Car au fond, cette histoire d’amitié femmes/hommes possible ou impossible n’est une question à se poser qu’à condition d’une part que les individus se définissent en premier lieu par leur genre et que l’on considère d’autre part le rapport sexuel et amoureux dans le cadre hétérosexuel.

Mais à compter du moment où l’on s’inscrit, sinon dans la fluidité de genre, dans une certaine indifférence à l’égard des marqueurs sexués des individus et que l’on prend en compte tout le champ des orientations amoureuses et sexuelles, il n’y a finalement pas plus de raison d’interroger l’amitié entre une femme et un homme que l’amitié entre deux hommes, l’amitié entre deux femmes, l’amitié entre deux personnes tout simplement.

Remettre l’authenticité de la relation au centre du motif

Ce que l’évolution de la conversation sur l’amitié femme-homme nous indique, c’est le besoin d’authenticité relationnelle qui s’exprime avec une acuité nouvelle. En amitié comme en amour, au travail, en famille, en société, la codification des relations ne suffit plus à maintenir et nourrir le lien d’engagement et d’attachement. Il ne suffit plus d’avoir été camarade de classe, invité au mariage, intégré dans un groupe de potes pour se sentir ami·e·s. Il ne suffit plus d’être marié·e ou de compter les années de vie en couple pour se sentir en rapport amoureux. Il ne suffit plus de travailler dans la même boîte pour se sentir collègue. Chaque fréquentation demande à se justifier par la qualité des interactions et la contribution au bien en partage qu’est la relation.

Marie Donzel, pour le webmagazine EVE