Coup de coeur : Le Comité des Dames s’expose aux Arts Décos

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Ou comment un réseau de femmes avant la lettre a promu l’art au féminin



Une affiche de 1898 pour une exposition à l'initiative du Comité des Dames

Les femmes dans l’art…

Souvent on les croise en muses sublimées par le génie du créateur : Madame Henriot pour Renoir, Madeleine Bernard et les tahitiennes pour Gauguin, Kiki pour Modigliani et Man Ray…

Parfois, c’est en artiste au talent ombragé et à la réputation enfouie par la notoriété du conjoint ou de l’amant lui-même peintre ou musicien : Berthe Morisot aux côtés de Manet, Camille Claudel éclipsée de son vivant par Rodin, Clara Schumann probablement spoliée d’une partie de ses compositions par Robert…

Plus rare est la figure de la femme d’affaires qui finance et promeut l’art.

Pourtant, à la fin du XIXè siècle et au début du XXè siècle, un groupe de femmes a considérablement oeuvré à la formation et à la notoriété des artistes féminines, au sein-même de la prestigieuse Union Centrale des Arts Décoratifs (UCAD) : le Comité des Dames.

La Bibliothèque des Arts Décoratifs lui consacre actuellement une exposition. C’est notre coup de coeur !


Le Comité des Dames : un réseau avant la lettre

En 1892, les Beaux-Arts organisent la première exposition consacrée aux "Arts de la femme"

L’aventure commence dans les années 1860.

Le modèle du mariage bourgeois, hérité du Bonapartisme, est déjà ébranlé par des velléités naissante d’émancipation féminine. On s’inquiète de la résistance du socle familial à ce sourd assaut, on crie à une concurrence déloyale des femmes sur le marché du travail, on craint pour l’ordre social.

La place des femmes dans la société est un sujet de vif débat. Les Beaux-Arts, récemment devenus les Arts Décoratifs, entendent y participer. Par ailleurs, ils veulent enrichir les collections de leur musée, et font appel aux femmes de l’élite fortunée pour recueillir les dons qui financeront les acquisitions. Du patronage, en somme. Mais les femmes qui se prêtent au jeu posent leur condition : une large liberté d’action garantie par une seule autorité à qui rendre des comptes, le Président de l’institution.

Un réseau de femmes d’affaires des arts est né. En 1892, il permet l’organisation de la première exposition consacrée aux « Arts de la femme ». En 1894, il se dote de statuts propres et prend le nom de Comité des Dames.


Former et promouvoir les femmes artistes

L'école d'art initiée par le Comité des Dames, au 6 rue Beethoven, à Paris XVIè (c) Bibliothèque de l'UCAD

Au tournant du siècle, l’artiste féminine est traitée avec une certaine bienveillance… Matinée toutefois d’une réconfortante condescendance. Art mineur, art de peu d’importance, art du divertissement au mieux.

Qu’à cela ne tienne, les Dames vont lui donner ses lettres de noblesse. D’abord, par la formation. Elles commencent par réserver aux femmes un cours d’arts décoratifs professionnel, puis un deuxième et finalement, elles ouvrent carrément une école.

On y entre sur concours sélectif et on peut y bénéficier d’une bourse d’études si on manque de revenus personnels ou familiaux. On y apprend les techniques, on s’exerce à travailler toutes les matières, on s’y cultive.

Le travail des étudiantes est exposée, des conférences sont données pour le valoriser. L’école se fait remarquer à l’Expo universelle de 1925 où elle reçoit un grand prix pour les travaux de décoration de tout un étage du Grand Palais.

Des artistes appliquées comme Charlotte Perriand, Rose Adler, Dora Maar en sortent diplômées. D’autres deviennent à leur tour enseignantes ou se « placent » dans des entreprises d’industrie, d’artisanat ou de luxe…


Un exemple pour tout l’Europe… Et pour le monde entier!

L'architecte, designer, photographe Charlotte Perriand a été formée à l'école du Comité des Dames

Bientôt le Comité des Dames fait des émules au-delà des frontières. Quand elles exposent à Gand, Rome ou la Hague, les Dames suscitent des vocations : des associations de femmes naissent partout en Europe pour donner de l’envergure et de la visibilité aux arts dits « féminins ». La Russie et les Etats-Unis suivent le mouvement.

Ces réseaux s’invitent les uns les autres, lors d’événements internationaux . On se rencontre, on partage des expériences, on échange des savoir-faire, on élargit l’horizon du féminin à l’humanité toute entière.

Le Comité des Dames a été dissous en 1961, quand les nouveaux statuts des Arts Décos ont permis l’entrée des femmes à son Conseil d’Administration.

Il revit aujourd’hui, dans toute sa vitalité, toute sa créativité, tout son sens de l’innovation, toute son audace le temps de l’exposition que la bibliothèque de l’UCAD lui consacre. A visiter, absolument.


Marie Donzel



Renseignements pratiques :

Exposition Le Comité des Dames
La formation artistique des femmes au sein de l’Union Centrale des Arts Décoratifs

Jusqu’au 22 novembre 2012.

Bibliothèque des Arts Décos
111 rue de Rivoli
Paris Ier

Tél. : 01 44 55 59 36
Mail : biblio@lesartsdecoratifs.fr


Le lundi de 13 heures à 19 heures
Le mardi de 10 heures à 19 heures
Du mercredi au vendredi de 10 à 18 heures