Martial Vidaud, maître en bien-être

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Martial Vidaud, Martial Vidaud… Ce ne serait pas l’intervenant qui, lors d’EVE 2013, a reçu Najat Vallaud-Belkacem dans son atelier « Prise de parole et Tai Chi » ? Si, si, c’est lui. Quand on lui en reparle, ça l’amuse. Il se souvient d’une femme pleinement présente, concentrée, prête à se donner le temps et toute à ses mouvements, malgré une garde rapprochée un peu pressante qui venait régulièrement lui rappeler à l’oreille que pendant qu’elle « flattait l’encolure du cheval », elle était en train de prendre 3/4 d’heure de retard sur son agenda… de Ministre. Ce que Martial Vidaud retient aussi, c’est qu’elle « avait l’air bien, pendant et après« .

Que les gens se sentent biens, qu’ils soient Ministre en exercice ou quiconque d’autre, c’est l’objectif… Et la passion de toute une vie pour lui.

Portrait d’un maître en bien-être.

 

 

« Comment ça va?« 

Martial Vidaud

« Comment ça va?«  Dans la plupart des situations, on répond formellement (et rapidement) à cette question, avant de passer à autre chose.

Quand on entre dans le « bureau » de Martial Vidaud, une vaste pièce respirante au mobilier rare (quelques chaises, des tapis et des ballons) et qu’il demande « Comment ça va?« , on comprend d’emblée qu’on ne passera pas à autre chose, mais que le cœur du sujet est là. « Comment ça va? » demande posément celui chez qui on sent d’emblée que l’on va trouver une oreille attentive pour évoquer toutes les nécessaires ambiguïtés d’une réponse sincère à une question si complexe, au fond.

Depuis l’enfance, marquée par la disparition brutale du père qui a éveillé en lui « une sensibilité si particulière » aux émotions, Martial s’intéresse à la façon dont les gens vont et comment ils pourraient aller mieux. « Je vais bien quand j’aide les autres à aller bien » admet-il sans se cacher. Pour aider les gens à aller bien, à aller mieux, il aurait pu devenir médecin. Il y a d’ailleurs bien pensé après le bac. Mais il s’était tant ennuyé sur les bancs de l’école pendant d’interminables années à étudier des matières qui lui semblaient si lointaines de ses vraies préoccupations, que la perspective de passer encore 8 ans dans le système académique l’en a découragé.

Direction donc l’école de commerce de Tours, dans l’idée « d’apprendre vite un métier pour entrer dans la vie active » sans tarder. C’est là qu’à 20 ans, il « découvre enfin que c’est génial d’étudier« . Ce qu’il aime dans ce qu’on lui enseigne à l’ESC, c’est que sont des « choses utiles » qu’il met directement en application dans les entreprises où il est stagiaire.

 

A-li-gné!

Une préférence pour le pratique plutôt que pour le théorique? « Plutôt un besoin que les choses soient alignées« , qu’elles entrent en cohérence, mieux que ça « en résonance » les unes avec les autres. Quand c’est le cas, Martial excelle : lui qui « a toujours eu 11 de moyenne au lycée, juste ce qu’il faut pour ne pas redoubler » récolte à présent des 18 assortis des félicitations des profs. Et autant de compliments de ses maîtres de stage, qui ont repéré le garçon ultra-brillant capable de se dépasser quand il est dans son élément. Son diplôme en poche, c’est sans surprise qu’il reçoit des propositions d’embauche.

Sauf qu’avant de prendre un emploi, il a une pas si petite formalité à régler : né en 1973, il fait partie d’une des dernières cohortes d’hommes français à ne pas échapper au service militaire. Hors de question d’aller faire le troufion dans une caserne! Au cas où on ne l’aurait pas compris, les valeurs de l’armée ne sont pas exactement celles de Martial. Aussi, pour s’acquitter de son devoir, il opte pour une « coopé » en entreprise : le leader de l’énergie Technip l’envoie faire du contrôle de gestion aux Emirats Arabes Unis, « un pays totalement inconnu à l’époque« .

La découverte d’une contrée nouvelle et l’encadrement d’une équipe multiculturelle l’enthousiasment. Mais de la « vie d’expat’ « , il se lasse vite : « l’oisiveté, le fric facile, l’entre-soi des petites communautés d’occidentaux« , ce n’est pas « son truc« . Alors, il refuse le poste d’expatrié que Technip lui offre à l’issue de sa « coopé » et rentre en France.

 

 

Martial se met à l’art… martial !

Il prend un poste d’auditeur financier chez Deloitte. « Le métier est excitant, le niveau d’exigence d’un grand cabinet anglo-saxon rend le travail passionnant« . Mais, mais il y a un mais : Martial se sent « hyper stressé« . Bien que résistant aux « horaires à rallonge » et refusant ce que l’on n’appelle pas encore « le présentéisme« , il est régulièrement submergé par l’anxiété, il se voit sur-réagir aux contrariétés, il n’est pas rare qu’il parte travailler « la boule au ventre« .

Pour surmonter cet état, il se met au sport. Pas n’importe quel sport : « J’ai 26 ans, je suis stressé et je m’appelle Martial… Je vais me déstresser en faisant un art martial! » Ce sera le Kung Fu : un soir par semaine, il « transpire et dort ensuite comme un bébé« . Sauf que, le lendemain, au bureau, il est de nouveau… Stressé.

Alors, un an et demi après avoir commencé le Kung Fu, il se tourne vers un art martial « plus intérieur » : le Tai Chi. « C’est un art qui développe l’écoute de soi et l’ancrage au sol » et aide à « mieux réagir face à l’adversité, à apprendre à se calmer en toutes circonstances« . Pourvu qu’on sache « faire le lien avec sa vie« , la pratique de cette discipline permet réellement de « développer une vraie confiance en soi, une plus grande capacité à s’affirmer« .

Hélas, beaucoup se découragent trop vite : « 80% des personnes arrêtent le Tai Chi en moins d’un an. Le Tai Chi, c’est dur, mais paradoxalement, moins on est bon au départ, plus grands sont les bénéfices ensuite… » Ah bon? Il existerait un sport où pour exceller, il vaut mieux ne pas démarrer trop doué? Martial en témoigne : « J’étais nul, comme la plupart de ceux à qui le Tai Chi va vraiment faire du bien, je manquais d’ancrage et d’équilibre. J’ai du apprendre lentement, patiemment ; ce qui est une chance : tout ce qui prend du temps s’emmagasine mieux, s’assimile plus profondément. »

Martial s’accroche, donc. Et consacre de plus en plus de temps à la pratique des arts martiaux, jusqu’à 9 heures hebdomadaires. Au Portugal où Deloitte l’envoie en mission pour deux ans, il rencontre un Sifu (ndlr : un « maître-enseignant » en art martial) extraordinaire qui l’initie à la médiation et au Qi Gong, « un art énergétique qui travaille sur la respiration, l’apaisement du corps, la libre circulation des énergies.«  C’est une « discipline de santé » à part entière et pour Martial, c’est une révélation.

 

 

La « voie toute tracée »?

Martial se sent de mieux en mieux. Sa carrière va bien, elle aussi. Elle a en tout cas de quoi faire des envieux. Il a 31 ans et à son retour de Lisbonne, Deloitte l’a propulsé senior manager dans le département Multinational Coporate, le plus en vue du cabinet : à lui « les plus gros clients, les plus beaux dossiers« . Il passe son diplôme d’expertise-comptable et « la voie semble toute tracée » : si tout va bien, il ne tardera pas à passer associé. Mais est-ce vraiment ce qu’il veut? Ce qui le fait rêver?

Le coup de fil d’un chasseur de tête tranche la question : Danone l’a repéré et pense à lui pour diriger le département d’audit interne. Martial a entendu parler du double-projet économique et social de l’entreprise. C’est tentant, forcément, pour qui mène depuis plusieurs années un travail sur l’équilibre de soi et dans les rapports aux autres. Embauché, Il découvre que la réputation de Danone n’est pas usurpée, « c’est une entreprise où on est bien, où il y a une vraie culture de l’humain, une véritable attention à la valeur de l’individu« . D’ailleurs, très vite, on lui propose de rejoindre le groupe de réflexion-action du programme « bien-être et équilibre au travail ».

Un jour de brainstorming où la question « qu’est-ce qu’on pourrait proposer aux collaborateurs et collaboratrices au quotidien, contre le stress? » est soulevée, Martial, tout juste diplômé de la Fédération Française de Tai Chi, lève la main : « Un cours de Qi Gong, pardi!« . Banco, tous les jeudi midi, depuis, il donne son cours collectif au cinquième, sous les toits de l’immeuble haussmannien qui abrite le siège de Danone.

 

 

Vous avez dit « naturopathie« ?

Martial adore donner ces cours collectifs, dont « les gens ressortent dans un état radicalement différent de celui dans lequel ils étaient en entrant une heure plus tôt« , dont ils repartent « détendus, ressourcés, ré-énergisés« . Mais il a aussi envie d’aller de plus en plus vers de l’accompagnement individuel des personnes en situation de souffrance au travail. Or, il n’est pas psy, pas coach non plus.

En revanche, depuis 2009, il s’intéresse de près à la naturopathie. La naturopaquoi? « Juste l’une des plus anciennes médecines, datant d’Hippocrate et existant partout dans le monde! » répond-il dans un sourire tranquille. « Mais je comprends que l’on ait une première réaction de méfiance. Il se dit beaucoup de choses et souvent n’importe quoi sur la naturopathie. Moi-même la première fois que je suis allé à une conférence et que j’ai vu arriver un conférencier sexagénaire avec son petit catogan gris, j’ai eu un premier mouvement de recul… Sauf que deux heures après, j’étais scotché : ce mec venait de dérouler sous mes yeux le métier dont j’avais toujours rêvé, un métier qui ferait le lien entre médecine traditionnelle, plantes, alimentation, arts martiaux et gestion du stress. »

Martial appelle aussi ça de « l’hygiène de vie« , si ça « fait moins peur que le mot naturopathie« . Reste que prendre soin de soi, de son corps et de son esprit, ça s’apprend. Pour pouvoir l’enseigner aux autres, il décide de se former très sérieusement et soigne aux petits oignons sa candidature pour intégrer une école reconnue par la Fédération Française et Européenne de Naturopathie. Quatre ans plus tard et la veille du jour où nous l’interviewons, il en sort diplômé, dans le trio de tête de sa promo!

 

 

Enfin libre!

Entre temps, il a aussi pris une décision capitale : laisser l’audit derrière lui et quitter définitivement le salariat. Pour être totalement libre de ne plus faire que ce qui le passionne et fait sens pour lui : accompagner les autres vers le mieux-être. Danone a soutenu son projet de création d’entreprise. Martial compte donc le siège et une filiale du groupe pour clients, au démarrage de sa nouvelle activité. C’est au minimum sécurisant, quand « les copains disent « Mais enfin, Martial, t’es fou, créer une boîte de coaching en pleine crise! T’as pensé à ton prêt immobilier?« … »

Martial y a pensé, oui. En tant que (désormais) ex-auditeur, il n’est pas trop mauvais pour les business models. En tant que personne formée à la psychologie positive, il sait surtout que l’on est jamais aussi performant que lorsque l’on fait ce que l’on aime, et surtout lorsque l’on « s’aligne » sur ses désirs profonds.

Il décide aussi que le stress ne passera plus par lui. Depuis qu’il a 20 ans, il résiste à la pression, tente d’échapper à tout ce qui dans le boulot, entre horaires infernaux, surcharge de travail et injonctions sociales, mine le moral et la santé. A présent qu’il est à la tête de sa propre entreprise et de surcroît parce que celle-ci offre du bien-être au travail, il s’impose (sans difficulté) un rythme serein et respectueux de son propre équilibre. Du temps pour soi, tous les jours. Le droit de refuser des missions quand il ne les sent pas ou quand il voit venir le risque de « se charger la barque« . Un regard à la bonne distance sur les tableaux de bord pour « ne pas être esclave du chiffre d’affaires« . Il a fait tout ça pour pouvoir « faire ce qu’il a envie de faire« , pas pour viser une cotation en bourse. Revenir sur ce principe, ne pas tenir cette promesse faite à lui-même, n’aurait aucun sens, ni pour lui-même ni pour son projet professionnel.

 

 

 

Activité : maître en bien-être

D’ailleurs, quand Martial parle de sa vie professionnelle, aujourd’hui, il ne parle plus de travail : « Je n’ai plus de travail, j’ai une activité« . Ca fait toute la différence « le lundi matin, je ne retourne pas au travail, le dernier jour des vacances, je ne me prépare pas à reprendre le travail, après une pause dans la journée, je ne me remets pas au travail… Je retrouve mon activité. » Dans activité, il y a actif. Etre actif, c’est ne pas subir. C’est aussi être dans l’énergie. C’est encore être « avec« , avec son environnement, avec les autres, en harmonie et en coopération. Parce qu’il s’est donné les moyens de cela, oui, Martial a désormais une véritable « activité« .

Du coeur de celle-ci, au quotidien, il parle peu, règles de confidentialité obligent. Mais il ne fait pas de mystères non plus : « la DRH ou la médecine du travail » lui adressent des managers en changement de poste, pour des coahings, mais aussi « des personnes en situation de souffrance au travail, sur-stress, démotivation, fatigue excessive » et très fréquemment en « grande culpabilité vis à vis de cette même souffrance« . A chacune d’elles, il propose des réponses adaptées pour « sortir la tête de l’eau, reprendre confiance, retrouver son élan de vie« . Ce peut être « de la sophrologie, du Tai Chi, de la respiration, de la psychologie positive, de la marche consciente, du théâtre…« , en fonction de ce qui « parle » le mieux à chacun-e.

Chaque entrevue avec Martial commence toujours par une question, par LA question : « Comment ça va?« . « La réponse au départ, c’est « pas très bien » ; au bout de quelques temps, c’est souvent « mieux » et puis un jour, même si ça prend un peu de temps, comme tout ce qui s’apprend – et à vivre, ça s’apprend -, la réponse sera « bien, très bien même« … »

Est-ce à dire que nous sommes tous et toutes aptes au bonheur? A cette ambitieuse question, Martial répond avec l’humilité des grands Sifu : « Au bonheur, je ne sais pas. Le bonheur appartient à chacun-e. Mais nous pouvons tous et toutes augmenter notre bien-être, c’est un bon début, déjà… »

 

 

 

Marie Donzel