Ce qu’il faut retenir de l’étude « Parcours croisés » d’HEC au féminin

Eve, Le Blog Dernières contributions, Développement personnel, Egalité professionnelle, Responsabilité Sociale, Rôles modèles

 

A l’occasion de la remise des huitièmes trophées du Prix Trajectoires HEC au féminin, la commission du même nom au sein d’HEC Alumini a rendu publique le 20 mai dernier une passionnante enquête sur la destinée professionnelle en de quatre générations de diplômé-es de la prestigieuse école de Jouy-en-Josas.

 

Dirigée par l’universitaire Jacqueline Laufer, membre de la Halde et de la rédaction de la revue « Travail, Genre et Société« , l’étude croise la question femmes/hommes avec la dimension générationnelle. C’est pas moins de 387 « ancien-nes » d’HEC (dont 200 hommes et 187 femmes) de quatre promos distinctes (1978, 1988, 1998, 2008) qui ont été intérrogé-es sur leurs ambitions, leur rapport au travail, leur sens de la carrière, leur perception de la réussite, leur vision du leadership.

 

Le blog EVE a lu attentivement ces « Parcours croisés ». Voici ce qu’il faut en retenir :

 

 

Une aspiration partagée au leadership

Sans surprise, les premières conclusions de l’enquête révèlent qu’HEC est une école de dirigeant-es. Près de 40% des répondant-es, toutes générations confondues, exercent aujourd’hui des fonctions de direction, en grande majorité (près de 80%) dans le secteur privé.

Les diplômé-es d’HEC pilotent leurs carrières de façon dynamique et volontaire, n’hésitant ni à changer de métier (57,4% affirment avoir exercé des fonctions variées depuis le début de leur vie active) ni à s’expatrier (64,5% a déjà travaillé dans au moins deux pays différents) quand des perspectives de progression professionnelle les y appellent. 

 

 

Etre ou ne pas être managé-e par une femme?

L’étude révèle une évolution notable du paysage des dirigeant-es : sa féminisation. En effet, quand 46 % des diplômé-es de 1978 n’ont jamais été managé-es par une femme, 74,4% des diplômé-es de 1998 et 77,2% de celles et ceux de 2008 l’ont déjà été.

 

 

Réalités et aspirations générationnelles

L’étude marque des différences de réalité professionnelle et d’aspirations entre les générations entrées sur le marché du travail entre 1978 et le milieu des années 1990 d’une part et les plus récentes d’autre part.

Les premières, effet d’âge (et d’expérience) oblige, ont dans les faits des salaires plus élevés et gèrent des équipes plus nombreuses. On les trouve investies dans des activités réseaux et exerçant volontiers des responsabilités parallèles (mandat d’administrateur, bénévolat). Chez elles, la tentation de l’entrepreneuriat est prégnante (70% y ont déjà pensé et une proportion non négligeable est passée à l’acte : près d’un quart des diplômé-es de 1978 et plus de 40% des diplômé-es de 1988).

Quand les plus jeunes, sorti-es depuis 1998, évoquent leur réalité professionnelle, c’est un certain nomadisme qui se lit : nomadisme géographique (avec plus de 34% d’expatrié-es, les alumnis 2008 sont de loin les plus internationaux, et ce, dès le début de leur carrière) et nomadisme interentreprises (quand les boomers sont moins de 3% à avoir une ancienneté de moins d’un an dans leur poste, les Yers sont 43,5% dans ce cas). Là encore, l’effet d’âge n’est pas négligeable puisqu’il assez naturel de « bouger » davantage en début de carrière que par la suite. Toutefois, cette mobilité vient aussi faire écho à une volonté clairement affirmée des jeunes générations d’obtenir un poste correspondant précisément à leurs aspirations assortie de demandes expresses faites en ce sens à l’employeur.

 

 

Aspérités et obstacles à surmonter

Interrogé-es sur les difficultés qu’elles et ils ont rencontrées au cours de leur parcours, les diplômé-es d’HEC évoquent des obstacles différenciés selon leur génération et leur genre.

Les plus âgé-es placent en tête de leurs motifs de contrariété professionnelle la complexité du monde de l’entreprise et sa dimension politique en particulier. Pour les plus jeunes, c’est le choix d’une orientation correspondant intimement à « sa voie » qui est le premier motif de préoccupation.

Toutes générations confondues, les femmes sont une proportion constante (quoique relativement faible : 8%) à identifier leur genre comme un frein en soi à leur développement professionnel. Quand on entre dans les détails, on observe sans grand étonnement que la conciliation des temps de vie demeure la difficulté numéro 1 pour les femmes aspirant aux responsabilités.

 

 

Des femmes parfaitement armées pour réussir

L’étude révèle que les femmes diplômées d’HEC sont lucides sur les facteurs de leur réussite (les mêmes que ceux qu’identifient leurs collègues masculins : compétences et qualités personnelles, détermination, réseau) et qu’elles n’ont pas de complexes à exprimer leur ambition. Elles savent optimiser les moyens qui leur sont donnés pour renforcer leur leadership (coaching, mentoring, entraide du réseau) et semblent témoigner d’un bon niveau de confiance en elles.

 

 

Pourtant, les femmes HEC ont des parcours globalement moins valorisés…

Malgré ces atouts bien cernés, les femmes HEC accèdent moins facilement aux plus hautes responsabilités que les hommes de leur promo. Elles sont moitié moins nombreuses à diriger une entreprise, et quand elles grimpent dans la hiérarchie, on les voit plus souvent plafonner aux rangs de N-2 ou N-3 d’un membre du ComEx ou du Comité de direction. Les équipes qu’elles encadrent sont moins nombreuses : 89% des femmes HEC ont moins de 20 collaboratrices et collaborateurs qui leur sont rattaché-es (contre 72% d’hommes dans ce même cas).

C’est peut-être là un effet de leur moindre insertion dans les « viviers » de hauts potentiels : 60% des femmes interrogées n’en ont jamais fait partie, quand 44,7% des hommes ont bénéficié de programmes de leadership dédié aux dirigeant-es.

A prendre en compte également, une relation différenciée à la mobilité : 31,5% des femmes qui ont vécu ou vivent à l’étranger y ont suivi leur conjoint (aucun cas de situation inverse dans laquelle un homme aurait accompagné sa partenaire à l’étranger, n’a été constaté au cours de l’étude).

 

 

… Et adoptent des stratégies de contournement pour atteindre l’équilibre

Si les femmes HEC admettent pour 18,3% d’entre elles avoir déjà renoncé à une opportunité pour ne pas compromettre leur équilibre vie privée/vie professionnelle, elles ne renoncent pas pour autant à leur carrière (5% seulement ont été tentées de quitter la vie active) et à son développement.

Elles envisagent cependant d’autres voies que celles de la progression verticale en entreprise : l’entrepreneuriat, au premier chef. 32,4 % des femmes qui se sont mises à leur compte assument que c’est avant tout dans l’intention de faciliter l’articulation de leur vie professionnelle avec leur vie familiale (à titre de comparaison, ce motif n’est invoqué que par 8,3% des hommes indépendants).

 

 

L’enquête « Parcours croisés » de la commission HEC au féminin nous apprend donc que, même quand elles ont tout pour réussir (un diplôme reconnu, une conscience aiguisée des leviers du développement professionnel, un réseau efficace et même un bon niveau de confiance en soi), les femmes restent confrontées à de vrais freins à leur progression et n’accèdent pas à des responsabilités équivalentes à celles des hommes.

En cause, disent les conclusions de l’étude, une certaine « impatience » chez celles qui ont tendance à changer de poste, de boîte voire carrément à démissionner quand leurs attentes sont insatisfaites, là où les hommes seraient mieux capables, disent les rapporteur-es de l’enquête de « prendre le temps de voir les choses évoluer en leur faveur« … Il semble que cet effort de « patience » demandé aux leaders féminines doive néanmoins s’assortir de garanties d’être payé de retour. Car pour prendre confiance en son propre avenir dans un environnement donné, il faut bien que celui-ci inspire le sentiment qu’il est prêt à changer et donne à celles qui y évoluent de vraies raisons d’espérer qu’elles pourront y avoir la pleine place qu’elles méritent.

 

 

Marie Donzel, pour le blog EVE

 

 

Lire aussi :

– Notre entretien avec Sylvie Bernard-Curie, associée-DRH de KPMG, entreprise partenaire du Prix trajectoires HEC au féminin

– Notre interview de Bénédicte Champenois-Rousseau, présidente de la commission HEC au féminin au sein d’HEC alumni

– Notre synthèse de l’étude PWC consacrée aux aspirations de la GenY au féminin

– Notre rencontre avec Claire Léost, auteure du Rêve brisée des working girls, un essai consacré aux parcours de femmes diplômées d’HEC à l’orée des années 2000.