L’expérience du télétravail chez Danone (1/2) : en marche pour une « révolution des mentalités »

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Rencontre avec Marc Grosser, directeur des affaires sociales et de la responsabilité sociale de Danone

La réflexion sur l’égalité professionnelle fait partie des objectifs stratégiques prioritaires de l’ensemble des partenaires du programme EVE. En se penchant sur cette question et en mobilisant les équipes des directions de ressources humaines, du développement des organisations et de la prospective, les entreprises font toutes un même constat : quand on cherche à favoriser l’égalité et qu’on interroge à ce titre la question de l’articulation vie professionnelle/vie privée, on met en place des solutions qui, non seulement facilitent l’accès des femmes aux responsabilités, mais offrent à tous un surplus de bien-être au travail. Ce processus de transformation des organisations et des mentalités particulièrement encourageant, s’incarne notamment dans les dispositifs de télétravail.

Après avoir sondé sur ce sujet Emmanuelle Lièvremont, directrice diversité et santé au travail chez L’Oréal, nous avons voulu aller voir ce qui se passait de ce côté-là chez Danone. Nous avons donc interrogé Marc Grosser, directeur des affaires sociales et de la responsabilité sociétale sur l’esprit, les conditions et le premier bilan de l’expérience télétravail chez Danone.

 

 

Programme EVE : Bonjour. En 2009, Danone a conclu des accords sur l’égalité hommes/femmes et a signé la charte de la parentalité en entreprise. Comment cet accord s’inscrit-il dans la gestion globale des ressources humaines du groupe?

Marc Grosser : Nous sommes persuadés que le sujet de la parentalité, et plus généralement de l’articulation vie professionnelle/vie privée est l’une des clés pour faire progresser l’égalité hommes/femmes.

Plusieurs accords ont été signés en ce sens au sein du Groupe, notamment au sein de Danone France, en ciblant bien la parentalité, et pas seulement la maternité.

Au sein du Siège de Danone, nos accords prévoient donc pour tous les salariés qui le souhaitent et quelle que soit leur activité, de pouvoir travailler un jour par semaine en télétravail, en signant un avenant à leur contrat. Le télétravail pour tous s’accompagne d’autres mesures, comme par exemple le congé paternité d’un mois sans perte de salaire. Ce qu’il est également important de préciser, c’est que nous avons inscrit la question de la parentalité dans l’entreprise au sein du sujet global de la réduction du stress au travail. Cet accord s’inscrit dans le cadre du projet « Equilibres » conduit par le Siège, qui fait suite à l’accord signé sur le stress et les risques psychosociaux. Avant la signature de cet accord télétravail, une expérimentation de plusieurs mois du télétravail au sein d’équipes pilotes avait été menée.

 

Programme EVE : quels premier bilan tirez vous de cet accord ?

Marc Grosser : D’abord, un bilan chiffré : nous avons 40% de la population du siège qui pratique le télétravail. Malgré les réticences de départ des partenaires sociaux qui craignaient une plus grande porosité entre vie professionnelle et vie privée et les inquiétudes de certains managers qui appréhendaient d’une éventuelle désorganisation des équipes, le télétravail a pris chez Danone, et il s’organise bien, équipe par équipe. Ensuite, du point de vue du bien-être des collaborateurs, les résultats de l’enquête qualitative que nous avons récemment menée sont significatifs : les personnes interrogées parlent de diminution du stress individuel, et disent aussi s’être partiellement débarrassées d’un pénible sentiment de culpabilité, aussi bien à l’égard de leur travail que de leur famille. Et puis, il y a les évolutions intéressantes de la culture managériale et du rapport de chacun à ses objectifs et résultats. La discipline personnelle est de mise : on sait mieux ce qu’on a à faire de son côté et on prend parallèlement conscience de sa place dans l’équipe et de ce qu’on doit lui apporter. Je dirais globalement que ça joue sur un levier fondamental de l’efficacité et de la performance : la confiance, en soi et envers les autres.

 

Programme EVE : Le télétravail est donc porteur de cette « révolution des mentalités » dont vous parlez? Pensez vous que le télétravail a un impact sur l’organisation du travail ?

 

 

Marc Grosser : Moi-même, je pratique le télétravail depuis 2008 et je suis convaincu qu’il permet de transformer l’organisation du travail, à plusieurs conditions. D’abord, parce qu’on a bien expliqué au personnel que le télétravail est fait pour enrichir son travail : on ne fait pas les mêmes activités de chez soi que celles qu’on ferait au bureau. L’objectif, lorsque l’on est en télétravail, ce n’est pas d’écouler des mails et de traiter des affaires courantes. C’est au contraire le moment de prendre du recul, de faire des lectures, d’approfondir un sujet, de se concentrer, de rédiger une synthèse, un rapport, une recommandation… On gagne en profondeur et en focalisation. Ce doit être aussi un moment d’inspiration pour sortir la tête du guidon et penser moyen et long terme.

Plus globalement, le télétravail permet de passer progressivement d’une culture du présentéisme (encore très présente en France) à une culture du résultat. Que le collaborateur soit sous les yeux de son manager ou à son domicile, qu’importe, son manager lui fait confiance, car son collaborateur sait ce qu’il a à faire, il connaît ses objectifs et il sera évalué par rapport à ses résultats. Parfois, avec certains collaborateurs, on convient même des priorités à traiter lors du jour de télétravail, pour que cette journée soit la plus fructueuse possible pour lui comme pour l’entreprise. Cette culture du résultat me paraît très prometteuse à terme pour le sujet de la parentalité : si on cesse de conditionner l’efficacité au présentéisme, chacun, homme comme femme, père comme mère, se sentira plus à l’aise et autorisé à rentrer à des horaires « normaux » (comme en Angleterre, en Allemagne ou en Hollande) pour passer du temps avec ses enfants et concilier sa vie professionnelle et sa vie personnelle… Quitte à retravailler un peu, si vraiment nécessaire, une fois les enfants couchés, sans avoir eu l’impression de devoir sacrifier sa vie de famille pour son travail. C’est ce que je pratique depuis des années, en pleine transparence et en pleine confiance avec mes managers successifs, lesquels ne se sont concentrés que sur mes résultats.

 

Venons-en une bonne fois pour toutes à la culture du résultat!

 

Propos recueillis par Marie Donzel

A suivre: L’expérience du télétravail chez Danone (2/2) Rencontre avec Alexia Penent, directrice du développement des organisations de Danone de 2008 à 2012.