Christine Descamps, femme de cœur…iosité !

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Portrait

 

 

Christine Descamps est Productrice Exécutive du Programme EVE.

En tandem avec Anne Thévenet-Abitbol, elle en a bâti les fondamentaux, elle en construit chaque année la programmation et en anime la scène.

Pilier de cette communauté d’inspirant-es inspiré-es qui travaillent à transformer le monde de l’entreprise en faisant une pleine place au leadership des femmes et partant, en challengeant le leadership de tous, c’est une femme aux milles vies et au cœur indéfectiblement curieux.

Modèle d’indépendance d’esprit et d’équilibre authentique, elle a accepté de se raconter pour les lectrices et lecteurs du blog EVE.

Portrait.

 

 

Bercée par les valeurs d’honnête, de solidarité et d’audace

« C’était la petite fille à l’horizontal que sa mère tirait par la main derrière elle ». Rapporté par un proche de la famille, le souvenir en forme d’image de comics résume une enfance à mille à l’heure. Celle de Christine, cheveux raides et tempérament vif de « garçon manqué », entre bagarres ébouriffées avec ses frères et jeux au grand air, sous le regard débonnaire de parents joyeusement actifs. Une mère talentueuse : dessinatrice hors pair, pressée de ne rien sacrifier à toutes les envies d’une vie ; un père entrepreneur, infatigable bosseur et homme de cœur, investi dans l’associatif humanitaire. Des valeurs fortes d’honnêteté et de solidarité soudent la famille, le reste est laissé à la personnalité et à l’audace de chacun-e, libre d’expérimenter ses propres voies d’épanouissement.

 

La tonalité n’est pas tout à fait la même à Sainte-Marie de Neuilly, où l’on a inscrit les filles de la famille après un déménagement dans l’ouest de Paris. Le cadre est strict et les règles de vie sont pour le moins classiques. Passe encore. L’enseignement est exigeant et l’ambition à l’excellence. C’est plutôt un bon point, pour qui exprime déjà un fort besoin de stimulation intellectuelle. Mais la non-mixité, ça, c’est la plaie pour Christine, plus habituée à être traitée en enfant qu’en petite fille et que les « ambiances de nanas » ennuient.

 

 

L’Amérique, l’Amérique… Et la terre entière à parcourir!

Elle va jouer les filles de l’air. A quinze ans, elle obtient une bourse pour faire sa seconde dans « une boarding school ultra preppy » du New Hampshire. Changement de registre : le lycée dispose d’un campus sublime et l’on y vit autant dehors que dans les classes ; au catalogue des enseignements, on peut choisir piano, théâtre et toute une panoplie de sports. Christine ne s’en prive pas, goûtant tous les plaisirs d’une « formidable expérience d’indépendance » qui la voit rentrer parfaitement bilingue en France.

 

Elle n’a alors plus qu’un objectif : en finir vite avec la scolarité. Et à ses conditions : un bahut public et mixte, la vie quoi ! Mais les grands lycées de la capitale n’en veulent pas : l’année qu’elle a passée aux Etats-Unis, ça ne compte pas, on lui propose uniquement de redoubler. Pour qui veut précisément gagner du temps, c’est raté. Retour à la case Sainte-Marie, la seule école à la prendre en 1éreS, plutôt abattue et résignée, mais avec enfin de vraies raisons de bosser. La voilà qui se prend au jeu et révèle des qualités de première de classe sans en avoir jamais acquis l’habitus trop sage. Bac avec mention, prépa HEC à Pasteur et elle entre à l’ESSEC en bizuth. En école de commerce, elle retrouve quelque chose de ses heures américaines : la diversité des enseignements, l’ambiance campus, la vie associative… Et puis, surtout, l’ouverture sur l’étranger et le regard vers l’ailleurs.

 

C’est décidé, elle multipliera les échanges et fera tous ses stages à l’international. En Israël, elle ratisse des amandes dans un kibboutz ; à New York, elle s’éclate dès qu’elle a fini son job comme employée au poste d’expansion économique de la France ; à Londres, elle se forme au marketing à l’école L’Oréal. Mais le grand accomplissement, c’est l’Inde. On l’a prévenue « qu’il y fait une chaleur insupportable, que la bouffe est immangeable et que la nuit, des souris lui grignoteraient les pieds ». Elle vérifie sur place et sur pièce : tout est vrai. Mais l’important est ailleurs : faisant l’expérience d’être « l’une des rares filles, la seule blanche et la seule blonde » à l’école de management d’Ahmedabad, elle apprend d’autres rythmes, défie les préconçus culturels et se débarrasse des visions exotiques pour vivre pleinement le différent. Et puis, elle voyage autant qu’elle peut à travers le sous-continent, confirmant une âme de baroudeuse, n’ayant peur de presque rien et se faisant « des potes » un peu partout.

 

 

Les « jeunesses » de la pub 

Diplômée en 1985, elle atterrit dans une agence de pub, la célèbre DDB. Une occasion plus qu’une vocation, et presque plus un choix de vie qu’une orientation professionnelle. Car ce qui plait à Christine dans la pub, c’est qu’on « s’y amuse, c’est jeune, on s’agite le ciboulot, on ose des idées qui deviennent des campagnes. On produit des films, on peut même s’impliquer dans les montages à la post-production, on fait des photos avec de grands artistes, on rencontre des clients importants. » Bref, elle est séduite par cet univers où on touche à tout quand on est commercial. L’esprit intrapreneurial du métier lui réussit : « la hiérarchie est souple, la première qualité est la curiosité et le métier laisse une grande part à l’autonomie. »

 

Christine n’a pas le temps de s’ennuyer, et encore moins celui de penser à une « carrière ». Alors quand Violaine Sanson-Tricard, DG de DDB, propose de l’embarquer dans l’aventure de la création de l’agence Opéra, elle hésite, elle se tâte. Elle ne s’est pas vue devenir une adulte et si elle a envie de mobilité, c’est plus pour découvrir encore le monde que pour booster son parcours professionnel. Violaine emporte le morceau avec un argument de poids : « Va donc faire un road trip aux Etats-Unis pour benchmarker les grands magasins américains car on est en compétition pour le Bon Marché ! ». A ce compte-là, forcément…

 

Passée directrice du développement à 25 ans et des poussières, Christine Descamps est aspirée dans la spirale du succès de l’agence. Il faut dire qu’à peine arrivée sur le marché, Opéra la brillante et décalée, se fait remarquer… Le Bon Marché, Nett, Saint-Marc, Toshiba, CIC, les annonceurs ne jurent plus que par les images originales et toujours raffinées des équipes créatives de Christian Vince. Mais à Christine, il en faut plus. En fait, il faut autre chose. Du sens. Des raisons profondes, des motifs vibrants et humains. Elle demande un 4/5è et le temps qu’elle libère du travail, elle le donne à une association de prévention du suicide. A partir de ce moment-là, elle ne travaillera quasiment plus jamais à temps plein, réservant toujours une partie de son temps et de son énergie à l’humanitaire : hier aux côtés d’Entrepreneurs du Monde, aujourd’hui à la Fondation pour la Recherche sur Alzheimer dont elle est directrice.

 

 

Une « autre façon de travailler »

avec Anne Thévenet-Abitbol, sur la scène d’EVE 2013

Côté Opéra, les choses bougent. La boîte est rachetée par le trio Roux-Lambert-Consigny, « deux jeunes cow-boys et le R de RSCG ! ». Ca promet ! L’agence se déploie à nouveau, continue à engranger les budgets et fait envie à tous. Christine qu’on « n’achète pas comme un meuble avec les murs » reste, mais garde la tête froide. Préserve son équilibre, fixe ses limites, protège son autre vie, familiale et associative. Ce qui n’empêche pas Christophe Lambert de l’emmener avec lui quand il part pour CLM-BBDO.

 

C’est là qu’elle fait la connaissance d’Anne Thévenet-Abitbol et avec elle, « découvre une autre façon de travailler » qui laisse place à l’intuition, valorise l’émotion et démultiplie les champs de l’imagination. Elles sont partenaires dans le travail, complémentaires et mutuellement stimulantes, elles sont aussi amies, grandes complices. Aussi, quand, en 1998, Anne est appelée à rejoindre Danone, le quotidien professionnel de Christine n’est plus ce qu’il était. Un projet exaltant d’Observatoire de l’effet Internet sur les Français-es, « la première tentative de compréhension du monde qui est en train de basculer », associant plusieurs clients, un pôle d’expert-es et de chercheur-es, lui redonne du souffle… Tandis qu’il permet à l’agence d’engranger 1 million supplémentaire de CA dans l’année !

 

EDF la débauche. Elle y va « par idéalisme » car elle a envie de participer « à construire une marque qui apporte quelque chose d’indispensable, l’électricité, et qui contribue à l’intérêt général ». Elle lance trois marques en trois ans, EDF Energy au Royaume Uni, EDF Pro et EDF Entreprises, en France. Mais il faut bien se rendre à l’évidence, elle n’est pas faite pour « la vie des grandes entreprises ». Farouchement indépendante, elle a du mal avec les méandres politiques des organigrammes. Habituée aux contextes ultra-réactifs, elle est sévèrement rétive à la culture bureaucratique. Débordante d’idées, elle est frustrée de constater que les consultant-es sont toujours plus écouté-es que les forces de proposition en interne.

 

 

Créer des « marques de sens »

Qu’à cela ne tienne, elle va monter sa boîte de conseil ! Les statuts de CDS Brand Consulting sont déposés fin 2004. Pionnière dans le champ du conseil pour les marques B2B (ndlr : business to business), elle bâtit une offre qui porte l’accent sur l’engagement des collaboratrices et collaborateurs, « ambassadeurs » de leur entreprise, à l’heure où le social web et toutes les transformations socio-cuturelles qui l’accompagnent font de chacun-e un point de contact, un messager, un influenceur. Air Liquide, Orange, Véolia, la radio NRJ, Danone et d’autres lui font confiance…

 

Danone, justement, planche sur un « projet femmes » que des cadres audacieuses du groupe sont venues mettre à l’agenda de Franck Riboud. Le plus innovant des PDG français a l’intuition immédiate que ce n’est pas qu’affaire d’égalité pro, mais qu’il y va de profondes transformations culturelles qui interrogent les formes du management, questionnent les parcours, font évoluer les visions de soi et d’autrui au travail, les structures de l’organisation et challengent les styles de leadership. C’est un sujet d’essence prospective, il y faut de nouvelles clés d’entrée, de nouvelles voies d’accès et d’intelligibilité. Anne Thévenet-Abitbol creuse un concept. Elle a l’idée d’une alternance inspiration/respiration, elle veut faire entendre la notion de mixité dans toutes ses dimensions (femmes/hommes, mais aussi internationale, diversité des cultures d’entreprises…) et pense à un séminaire. Avec Muriel Pénicaud (à l’époque DG RH de Danone), a été défini un motto ultra-porteur : « Oser être soi, pour pouvoir agir ».

 

Christine Descamps, l’experte en « marques de sens » perçoit d’emblée le potentiel énorme de l’idée. Elle porte la conviction qu’il faut en faire une marque, à l’identité forte et transverse, qui parlera aux individus comme aux organisations, aux RH comme au business, à l’interne comme à l’externe. Une marque qui sera aussi riche de ses contenus, « des contenus pros et des contenus développement perso, des contenus qui aident à mieux se connaître et à mieux comprendre l’autre, des contenus qui font appel à l’esprit, au corps, mais aussi aux émotions… ». Le Programme EVE, pensé de A à Z en dynamiques, est né. Sa première édition se tient en décembre 2010, dans le décor féérique d’une Evian enneigée.

 

Deux mois après, Christine Descamps suggère de créer un blog EVE. Un média d’un genre nouveau, une plateforme sociale, collaborative et ouverte de partage d’expériences, de pratiques et d’expertise, reliée à un fil twitter, une communauté LinkedIn et une page Facebook, pour prolonger et approfondir l’aventure EVE et la donner à vivre aussi à celles et ceux qui ne l’ont pas (encore) vécue. Un an après, le blog EVE est leader des plateformes d’information sur l’égalité professionnelle sur la toile francophone.

 

 

EVE donne des idées et des envies

Et puis EVE donne des idées et des envies. Celle de dupliquer un « modèle qui marche » à une autre thématique sensible en entreprise : la question intergénérationnelle, qui vient directement faire écho aux problématiques de transformation numérique. Christine Descamps est du lancement d’OCTAVE, évidemment, programme pour lequel, comme pour EVE, elle convainc des speakers de renommée mondiale de venir partager leurs savoirs (des Jérémy Rifkin, Thomas d’Ansembourg, Claude Onesta…) et bâtit avec Anne Thévenet-Abitbol des workshops stimulants et « respirants ».

 

Et enfin, EVE s’exporte, depuis cette année en Asie, prochainement dans d’autres régions du monde, ce qui n’est pas sans réjouir l’infatigable globe-trotteur en Christine, qui depuis l’adolescence a déjà visité plus de cinquante pays sur les 5 continents. Ca lui en laisse encore au moins 150 à découvrir. Un motif de joie en soi pour celle qui ferait sans doute devise du mot de Proust : « Le vrai voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux. »

 

 

 

Marie Donzel, pour le blog EVE.  

 

Lire aussi : 

– Notre portrait d’Anne Thévenet-Abitbol, Directrice Prospective et Nouveaux Concepts de Danone, Directrice Editoriale et Artistique des Programmes EVE et OCTAVE

– Notre portrait de Sylvie Bernard-Curie, Associée DRH-Talents de KPMG France

– Notre portrait de Bénédicte Tilloy, DG RH et Secrétaire Générale de SNCF Réseaux

– Notre portrait de Zhen Zhen Lan, vice-présidente de L’Oréal Chine, en charge de la communication et des affaires corporate.