Dame de trèfle et femme de tête !

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Rencontre avec Béatrice Toulon, fondatrice et directrice de Maestria Consulting

 

 

 

 

 

 

 

Nous la suivons depuis un moment sur Twitter où elle est la Dame_de_Trèfle aux tweets piquants qui ne manquent pas de coeur.

Elle a pris contact avec nous au moment de notre consultation « Etes-vous madame le directeur ou madame la directrice? » pour nous dire que lorsqu’elle avait été nommé rédacteur en chef d’un important magazine elle avait immédiatement fait changer son titre en rédactrice en chef.

 

Nous avons voulu en savoir un peu plus sur elle, sur son parcours de femme des médias et sur Maestria Consulting, l’organisme de formation spécialisé dans le média-training et en particulier sur la prise des paroles des femmes en public, qu’elle a créé en 2010.

 

Elle, c’est Béatrice Toulon.

 

 

 

Nous l’avons rencontrée cet été pendant près de trois heures. Extraits de notre conversation à bâtons rompus.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Programme EVE : Qui êtes-vous, Béatrice Toulon?

 

 

 

Béatrice Toulon : Je suis journaliste et j’ai créé en septembre 2010 Maestria Consulting, une agence de conseil doublé d’un organisme de formation qui oeuvre aux côtés de toutes les organisations engagées dans une politique d’égalité homme/femme.

 

 

 

 

 

 

 

 

Programme EVE : Quelles ont été les grandes étapes de votre parcours professionnel?

 

 

 

Béatrice Toulon : J’ai fait des études de droit. Cela m’a amenée à travailler pour un magazine juridique, Le Particulier. A l’époque, j’étais militante d’Amnesty International, très préoccupée par les droits de l’homme, les libertés… Je me voyais plus travailler dans une ONG ou à l’ONU que de passer ma vie à écrire sur le droit immobilier. Très vite, je me suis ennuyée au Particulier.

 

 

J’ai tenté ma chance, je suis partie en Espagne pour devenir journaliste. C’était le début des années 1980, j’assistais en direct à la construction d’une démocratie. C’était aussi la grande période de la movida (je suis passionnée de cinéma) et les années terribles du terrorisme basque. Il y avait plein de choses à écrire. Je suis allée voir tous les correspondants des journaux français en leur proposant de les remplacer les week-ends et jours fériés. J’ai fait mon trou à Madrid comme ça. Et puis, j’ai sorti un scoop : j’ai réussi à rentrer dans la cellule du colonel Tejero qui avait déclenché un coup d’Etat en 1981 en me faisant passer pour une de ses admiratrices. Le papier est sorti dans le Quotidien de Paris et a fait grand bruit. Le lendemain, Libération m’appelait. Je travaillais aussi au bureau de l’AFP à Madrid, comme recrutée locale car à l’époque l’AFP n’envoyait jamais de femmes dans ses bureaux à l’étranger.

 

 

 

 

 

 

 

 

Programme EVE : Quelques années après, vous êtes rentrée en France...

 

 

 

Béatrice Toulon : Oui, à cette époque, La Croix était dans une démarche de féminisation des équipes, j’y ai été recrutée au service international, un secteur encore très masculin. J’y ai gravi les échelons. A un moment, on m’a proposé la direction du service. J’ai refusé…

 

 

 

 

 

 

 

 

Programme EVE : Ah bon? Pourquoi refuser une telle promotion?

 

 

 

Béatrice Toulon : Comme beaucoup de femmes, je ne raisonnais pas en termes de carrière. Je me disais « l’important, c’est de m’éclater dans mon boulot », je me disais que le poste de chef adjointe que j’occupais était idéal : je pensais que j’avais les avantages de la fonction (je remplaçais régulièrement le chef de service) sans en avoir les contraintes, je couvrais la guerre en ex-Yougoslavie, Maastricht, la Chute du Mur de Berlin…

 

 

Avec le recul, je me dis que c’est une énorme arnaque, cette histoire de se satisfaire de « s’éclater » sans assumer ouvertement les responsabilités. Les contraintes, je les avais souvent et surtout, il n’y a pas d’incompatibilité entre le plaisir de travailler, de faire des choses intéressantes, et les responsabilités. Mon chef aussi partait en reportage.

 

Pendant les 10 ans que j’ai passés à La Croix, les dirigeants, des hommes pour la plupart, m’ont objectivement valorisée, encouragée, j’y ai beaucoup gagné en confiance en moi. Mais tous les freins en moi n’ont pas lâché. J’ai un bon exemple d’auto-censure : à l’époque, je râlais souvent contre le Prix Albert Londres qui ne distinguait jamais de femmes. Un membre du jury m’a demandé quelques années plus tard pourquoi je n’avais jamais postulé :  » Tu sais qu’en 1992, avec tes reportages sur l’ex-Yougoslavie tu aurais pu l’avoir? ». J’ai eu un choc. Je voulais voir des femmes emporter ce Prix, mais je n’avais même pas envisagé qu’une de ces femmes puisse être moi ! Ca m’est resté : à présent j’aide les femmes à sentir en elles leurs forces et leurs aspirations profondes, à penser que la fameuse femme qui va de l’avant, c’est peut-être elle.

 

 

 

 

 

 

Programme EVE : A un moment donné de votre carrière, vous avez renoncé au grand reportage. Pourquoi?

 

 

 

Béatrice Toulon : Parce que je crains la routine. L’international m’avait passionnée pendant une dizaine d’années mais à ce moment-là j’avais envie d’apprendre le métier de rédactrice en chef, de me former au management, d’acquérir une vision à 360° de la fabrication d’un journal et de travailler le lien avec le lecteur. Je suis allée faire cette expérience à Pèlerin Magazine comme rédactrice en chef-adjointe. Un an après, la rédaction en chef de Phosphore était vacante…

 

 

 

 

 

Programme EVE : J’aimerais que nous nous arrêtions un instant sur votre expérience à Phosphore. C’est un magazine destiné aux 15-18 ans, un âge charnière, n’est-ce pas, dans la construction des identités, où il est essentiel de trouver les mots justes pour évoquer toutes sortes de questions de société…

 

 

 

 

Béatrice Toulon : En effet, d’autant que Phosphore est le seul magazine générationnel véritablement mixte en France et à l’étranger! Une partie de ma mission a consisté à le garder mixte, justement, à une période où la régie pub l’aurait bien vu se transformer en mensuel pour jeunes filles. J’ai fait appel à la sémiologue Mariette Darrigrand pour travailler avec moi sur ce concept de mixité, pour élaborer un langage qui parle en même temps aux filles et aux garçons et ouvre des espaces de dialogue entre eux. On a ouvert l’un des premiers sites participatifs de presse : un forum de discussion dont le succès nous a vite dépassés! En 2004, Phosphore a été élu Magazine de l’année et a dépassé les 100 000 exemplaires de vente. Comme quoi, la mixité est possible même là où c’est réputé impossible

 

 

 

 

 

 

Programme EVE : Vous l’avez quitté en 2005 et ensuite?

 

 

 

Béatrice Toulon : J’ai voulu du nouveau! Je suis partie chez Studio où l’on cherchait un professionnel de la presse qui soit aussi cinéphile. Et de préférence une femme car la rédaction était masculine. Je m’y suis plu pendant 3 ans, ça m’a amenée à rencontrer tous mes réalisateurs fétiches, à aller sur les tournages. Mais la crise est arrivée. Je voyais la presse papier décliner et je n’avais pas envie d’accompagner ce déclin. Je voulais du nouveau. J’ai voulu devenir productrice de films. Je ris encore de moi en pensant à cette expérience. Croire en soi c’est bien mais on ne s’improvise pas productrice! Je suis partie au bout de 6 mois de la petite société que j’avais rejointe et de la société de post-production dans laquelle j’avais pris des parts. C’est clairement un échec, mais à travers lequel j’ai pleinement pris conscience de mon envie de faire quelque chose de neuf, de tourné vers l’avenir et qui corresponde à mes valeurs.

 

 

 

 

 

 

Programme EVE : C’est comme ça que vous avez été amenée à créer Maestria Consulting… Mais avant de parler de votre agence de conseil et de formation dédiée aux problématiques d’égalité, je souhaiterais clore le chapitre de votre expérience de femme de presse en vous demandant de dresser un bilan de la situation des femmes dans ce milieu… D’autant que vous avez récemment signé une passionnante tribune sur les contradictions des médias sur le sujet : « Parité : les médias ne font pas ce qu’ils préconisent pour les autres… »

 

 

 

 

Béatrice Toulon : Sans répéter ce que j’ai écrit dans cet article, je dirais que la presse reste un milieu très masculino-centré mais qui n’en a pas conscience car les journalistes n’ont pas l’habitude de se remettre en question. Pourtant, ce sont des humains comme les autres, bourrés de stéréotypes : on mettra les voix masculines graves pour piloter les journaux radio du matin, du sérieux! Les femmes journalistes ont tendance à intégrer les codes dominants : on ne pense pas à elles pour les postes importants, et elles ne pensent pas à elles non plus ! Elles sont plus discrètes que les hommes en conférence de rédaction, elles se persuadent que seul l’intérêt du sujet compte et pas la reconnaissance ou la carrière, encore moins le pouvoir. Elles ne déploient pas tout ce que déploient les hommes pour réussir, la mise en avant de soi et les réseaux, tellement importants dans ce métier !

 

 

 

 

 

 

Programme EVE : En créant Maestria Consulting, vous êtes entrée de plain-pied dans cette démarche de lutte contre les stéréotypes…

 

 

 

 

Béatrice Toulon : Oui. En fait, je crois que ce projet germe en moi depuis l’enfance : j’ai grandi avec des frères et on m’appelait «  le garçon manqué » parce que j’étais casse-cou et que j’avais de l’énergie. En fait, je trouvais « injuste » d’être une fille et j’en souffrais parce qu’en même temps je savais que j’étais bien une fille, les garçons m’intéressaient beaucoup… J’espérais que le moment arriverait où ce serait non plus une lutte intériorisée mais un sujet pour toute la société. J’ai de la chance, ce moment est arrivé, c’est précisément maintenant : je suis persuadée que l’égalité homme/femme, le droit de chacun à s’accomplir est une révolution tellurique en marche qui secoue l’organisation universelle du monde entre hommes et femmes. C’est un mouvement énorme, qui touche le monde entier, nous remet tous en cause, socialement, collectivement et intimement. Je veux y participer, avec ce que j’ai à y apporter. En l’occurrence, ma connaissance des outils de la prise de confiance en soi.

 

 

 

 

 

 

Programme EVE : Le média-training, en premier lieu?

 

 

 

 

Béatrice Toulon : Oui. Parler en public est un souci pour à peu près tout le monde. Mais en 30 ans de journalisme j’ai identifié des problèmes spécifiques aux femmes. Elles ont des peurs, des réflexes, des complexes dus à leur conditionnement. Mon travail consiste à les aider à identifier leurs forces et leurs faiblesses quand elles communiquent. L’enjeu, c’est d’émettre des signaux reconnaissables par la société tout entière tout en restant soi. Un exemple : des femmes gardent le réflexe de la petite fille, négociatrice et séductrice, apprise dans l’enfance qui ne sera pas à la hauteur de leur fonction avec l’assurance, la légitimité ou l’autorité que pourtant elles possèdent. Je travaille de plus en plus sur la voix : savoir poser sa voix est essentiel. Dans son élocution, on donne beaucoup de signes sur son état d’esprit, sur son leadership : apprendre à respirer, à dégager de l’énergie, à rythmer son intervention, à moduler le ton. On peut capter son auditoire même avec une voix plutôt aigüe.

 

 

 

 

 

 

 

 

Programme EVE : De quelle façon travaillez-vous avec les femmes et les hommes qui participent aux séminaires de Maestria?

 

 

 

Béatrice Toulon : Nous intervenons essentiellement en entreprise, le plus souvent à la demande des réseaux. Mais nous nous adressons aussi aux créatrices d’entreprises, aux indépendantes, toutes celles qui ont besoin de rassembler leur énergie, de trier, faire des choix et devenir plus efficaces. Un objectif premier de nos formations est d’instaurer un climat de grande bienveillance car évidemment, nous sommes au coeur de l’humain, de l’affectif, de l’émotion. Ce peut être très déstabilisant pour une personne d’interroger sa posture, sa façon de parler, ses comportements inconscients. Ca réveille beaucoup de choses enfouies, ça remue. Il est essentiel de partir de la personne, de ne pas chercher à lui imposer une autre norme, mais de lui apprendre à se valoriser vraiment.

 

 

 

 

 

 

 

 

Programme EVE : Pour finir, parlons de votre actualité de l’automne. Vous préparez un séminaire au titre prometteur : « Franchir les barrières intérieures »…

 

 

 

 

Béatrice Toulon : Oui, nous lançons avec Pascale Baumeister un séminaire de trois jours consacré au Personal branding des femmes, une première en France. Pascale est une coach très expérimentée, formatrice, spécialiste du personal branding*. Elle organise régulièrement des petits déjeuners sur ce thème. Je serai avec elle lors du petit-déjeuner, le 14 septembre, où elle fera comme toujours une session de personal branding, assez interactive. Nous en profiterons pour présenter ce séminaire dont l‘objet est de permettre aux femmes de s’approprier leurs forces, leurs talents, identifier leur projet et, évidemment, communiquer de façon adaptée. Cela fait 2 ans que nous pensions à ce séminaire. Nous partageons Pascale et moi les mêmes valeurs et nos compétences sont très complémentaires. Et là, c’est parti !

 

 

 

 

 

 

Programme EVE : L’entrée est libre, au petit-déjeuner du 14 septembre?

 

 

 

Béatrice Toulon: Presque. Le tarif 20 € par personne couvre les frais de petit déjeuner et de salle.

 

Rendez-vous le 14 septembre de 9 h à 11h au Père Tranquille, 1 rue Pierre Lescot à Paris.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Propos recueillis par Marie Donzel

 

 

 

*Révéler sa véritable personnalité avec le personal branding. Leduc Editions.

Comments 1

  1. Merci de toutes ces informations!
    Puis-je avoir davantage de détails sur le séminaire que Pascale et toi propsez pour franchir ses barrières intérieures: Dates surtout, et lieu.
    Grand merci,
    Virginie Ava Bessis.

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