Diego Gaspari : « EVE, ou un programme de leadership plus centré sur la connaissance de soi-même et plus en harmonie avec les autres »

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Diego Gaspari (c) Crédit Agricole SA

Rencontre avec Diego Gaspari, Directeur international des Ressources Humaines du Crédit Agricole SA et participant à EVE

 

Diego Gaspari fait partie des 20% d’hommes qui ont participé au dernier séminaire du Programme EVE, en décembre 2012. Nous avons voulu l’interroger sur cette expérience.

Mais avant cela, nous avons demandé à ce Directeur international des Ressources Humaines ce que représente la promotion du leadership au féminin pour un grand groupe comme le Crédit Agricole et comment cet engagement s’articule avec sa stratégie de développement à l’international.

Rencontre.

 

Programme EVE : Bonjour Diego, vous êtes Directeur international des Ressources Humaines du Crédit Agricole. Que recouvre cette fonction? 

Diego Gaspari : Je suis en charge des Ressources Humaines pour les filiales banque de détail de Crédit agricole SA dans une dizaine de pays.

Mon rôle est de promouvoir les carrières des dirigeant-es de nos banques en Europe du Sud, en Europe centrale et en Afrique du Nord, c’est à dire là où le Groupe a mené une importante stratégie de croissance externe ces dernières années. Ainsi, je déploie les axes prioritaires de la politique RH Groupe dans toutes ces filiales.

 

Programme EVE : Quels sont les grands axes de cette politique RH ?

Diego Gaspari : Nous sommes convaincus que la performance managériale est un levier majeur pour la performance de nos banques. Parmi les actions que nous menons pour renforcer celle-ci, le leadership au féminin fait partie de nos priorités, mais cela ne prend pas le même sens partout, ou tout du moins on ne peut pas aller partout avec la même approche. En Europe centrale : 50% de nos équipes dirigeantes sont des femmes ; il est évident que, pour différentes raisons, nous n’avons aujourd’hui pas la même répartition en Egypte ou en Maroc, mais c’est également le cas en France ou en Italie.

Mais cela reste un objectif pour nous, quel que soit le pays. C’est juste qu‘il faut savoir être subtil et tenir compte des réalités culturelles pour réussir la mixité et le leadership au féminin.

 

Programme EVE : Pouvez-vous par exemple nous parler de l’expérience italienne du Crédit Agricole en matière de leadership au féminin? 

Diego Gaspari : Oui, l’exemple italien est intéressant, car nous sommes là-bas engagés dans un programme cousin du Programme EVE : Valore D. C’est aussi un programme interentreprises, qui s’empare des mêmes sujets qu’EVE (réduction des inégalités professionnelles, articulation vie privée/vie professionnelle, bien-être au travail), qui fait appel à des outils similaires (un forum, des solutions de coaching, de la formation au leadership) et qui d’ailleurs, comme EVE a son blog, a aussi son propre média dédié au leadership féminin, le Magazine Valore D.

J’y vois le signe qu’un grand réseau européen d’entreprises décidées à partager de nouvelles pratiques de management favorables au développement des carrières des femmes, pourrait bien être en train de se mettre en place.

 

Programme EVE : Vous avez participé vous-même, cette année, au séminaire du Programme EVE. Qu’en avez-vous retenu? 

Diego Gaspari : J’ai trouvé ce séminaire extraordinaire. Je dis cela pour la qualité des intervenant-es, en plénière comme dans les ateliers, pour le rythme et pour l’ambiance.

Mais je le dis aussi et surtout car c’est la toute première fois que je participe à un séminaire de développement qui met pleinement l’accent sur « l’être » et non sur le « faire ».

C’est ce qui fait la différence entre EVE et d’autres initiatives qui pourraient lui ressembler de loin. Car quand vous décidez de toucher « l’être » au travail en chacun, vous pouvez aller tellement plus loin. Si vous êtes dans le « faire », c’est bien, mais ça n’a qu’un temps, celui du moment où, en rentrant du séminaire, on veille à appliquer des petites recettes avant de reprendre finalement ses vieilles habitudes ancrées. Et puis les petites recettes et les méthodes, ça passe de mode.

« L’être » profond des individus, c’est le cœur de quelque chose de bien plus durable et de bien plus puissant. C’est aussi ce qui permet d’articuler les dimensions intellectuelles, physiques, spirituelles et émotionnelles de chacun-e. Là, oui, il y a un vrai levier de transformation.

 

Programme EVE : Pour vous, justement, quels sont les grands leviers de la transformation des organisations? 

Diego Gaspari : Un levier puissant, et sur lequel EVE agit intensément, c’est la responsabilisation des êtres. Chacun-e est mis en situation de placer le curseur de ce qu’il peut changer, en soi et dans l’organisation au plus juste, en fonction de ses possibilités, de sa position, de ses forces.

A EVE, on ne dit pas « il faut que vous fassiez », mais « soyez et le reste suivra ».

 

Programme EVE : Quelles sont les interventions du séminaire qui vous ont le plus marqué? 

Valérie Rocoplan, lors du dernier séminaire EVE

Diego Gaspari : J’ai été très sensible à la conférence d’ouverture de Joanna Barsh, du cabinet McKinsey. Je trouve que son concept de « central leadership » annonce très fortement l’esprit du séminaire et met intelligemment en perspective toutes les problématiques évoquées pendant ces trois jours.

J’ai aussi eu la chance de participer à l’atelier de Valérie Rocoplan sur « la politique » en entreprise. D’abord, je trouve formidable qu’on puisse aborder un sujet aussi fin, mais aussi tabou, dans un séminaire de management. C’est unique. Surtout, je crois que c’est là un vrai sujet d’avenir pour nos métiers, car il questionne à la fois les cultures, les valeurs et les personnalités. C’est enfin une question au coeur des enjeux du leadership au féminin, car il ne faut pas s’en cacher, on touche là, aux limites que de nombreuses femmes, mais pas uniquement, se fixent dans l’expression de leur ambition. « Faire de la politique » pour réussir, cela a pour elles une connotation souvent très négative. Qu’il faille en passer par là pour faire valoir leurs talents crée de violents conflits intérieurs en elles car il leur semble que ça les conduira à des postures forcées, incompatibles avec leur authenticité, leur sincérité. Donc, c’est essentiel, il faut mettre ce sujet sur la table pour avancer. C’est  une des grandes étapes à franchir aujourd’hui pour réussir le leadership au féminin.

 

Programme EVE : Le séminaire EVE est ouvert aux hommes et vous êtes la preuve même que ceux qui y vont en reviennent enchantés. Que diriez-vous à un collègue qui hésiterait à y aller, en pensant que c’est plutôt « pour les femmes »?

Diego Gaspari : Je suis heureux que vous me posiez cette question car j’ai pu entendre parfois ici ou là « Ah! oui, les hommes qui vont à EVE, c’est pour draguer les jolies filles… Ou ce ne sont pas de vrais hommes ». Il faut que cet a priori un peu potache, mais pas complètement dénué de préjugés non plus, disparaisse complètement des esprits des hommes dans les entreprises qui sont engagées dans ce Programme.

Je pense que c’est un séminaire qui doit montrer encore plus qu’il ne le fait déjà que le leadership au féminin va bien au-delà de la seule question de l’égalité professionnelle et de la promotion des carrières de femmes. C’est une vraie chance qui nous est en réalité offerte à tous, hommes et femmes, d’innover, de transformer, d’entrer dans une véritable ère de changement. Les hommes ont tout à gagner à s’emparer de la question du leadership au féminin, car c’est une question de leadership avant tout. 

 

 

Propos recueillis par Marie Donzel, avec la complicité de Barbara Bod