SNCF expérimente le « travail bi-localisé » en gare

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Pour une conciliation des temps de vie facilitée… Et bien d’autres bénéfices!

 

Chacun-e a entendu parler du télétravail. La solution qui consiste à permettre aux salarié-es d’une organisation d’exercer leurs fonctions, certains jours de la semaine, depuis leur domicile a ses avantages… Mais aussi ses limites : l’isolement du collaborateur ou de la collaboratrice, le risque de voir le lieu de ressourcement que devrait être l’habitat envahi par les affaires professionnelles ou celui d’une dilution de l’esprit d’appartenance sont souvent cités au titre des possibles effets indésirés du télétravail.

Est-ce à dire qu’il faut renoncer à penser les alternatives au lieu unique de travail? Que nenni, répond-on chez SNCF où l’on expérimente depuis 2011 une forme innovante d’organisation : le travail bi-localisé en gare.

Le blog EVE, toujours à l’affût des innovations sociales de nature à renforcer le bien-être au travail et à produire des contextes professionnels plus inclusifs des situations personnelles diverses et variées, a rencontré l’inventeur de cette solution, Robert Piana, directeur de Projet Valorisation des Logements des Gares pour SNCF Transilien.

 

 

Eve le blog : Bonjour Robert. Vous êtes l’inventeur du travail « bi-localisé » chez SNCF. Dans quelles circonstances avez-vous été amené à imaginer cette solution innovante d’organisation du travail?

Robert Piana : Il y a trois ans, j’étais adjoint du directeur financier de Transilien. Au moment de la renégociation de l’accord avec le STIF (ndlr : autorité organisatrice des transports de la Région Île de France qui confie à SNCF sa délégation de service public), la question de la présence de personnels en gare, notamment aux heures de pointe pour renforcer l’information et la prise en charge des voyageurs, s’est posée avec une certaine acuité. Par ailleurs, SNCF est confrontée depuis quelques années à une problématique de valorisation d’une partie de son patrimoine immobilier : depuis la nouvelle réglementation incendie de 2009, nous ne pouvons plus héberger de cheminot-es dans des logements au sein des gares et nous avons donc un certain nombre de locaux vides.

Face à cette double question, de la présence de personnels SNCF en gare d’une part et de la vacance de certains de nos locaux d’autre part, je me suis dit « Pourquoi ne pas transformer ces logements en bureaux-hôteliers afin d’y accueillir des salarié-es pour qui aller toute la semaine sur un lieu de travail éloigné de leur domicile est très contraignant ? »… Et répondre ainsi à une troisième problématique, celle de l’amélioration de la qualité de vie de nos collaboratrices et collaborateurs.

 

Eve le blog : Quel accueil avez-vous reçu quand vous avez émis cette proposition qui fait se croiser très habilement trois problématiques clés pour l’entreprise?

Robert Piana : J’en ai parlé à Bénédicte Tilloy, la directrice générale de SNCF Transilien, un vendredi soir… Et le lundi matin, elle me donnait son go!

Dès l’automne 2012, on ouvrait trois sites de travail bi-localisé, Rambouillet, la Verrière, Plaisir-les-Clayes. Avec des principes simples : sur la base du volontariat et en accord avec le manager, une collaboratrice ou un collaborateur peut venir travailler un ou deux jours par semaine dans une gare proche de son domicile. En contre-partie, il ou elle doit être présent sur l’une des deux pointes de la journée (7h-9h ou 17h-20h) afin d’intervenir en renfort des équipes locales en cas de situation perturbée.

 

Eve le blog : Après ces trois sites expérimentaux, avez-vous pu étendre le dispositif à d’autres gares?

Robert Piana : Oui, nous avons ouvert un quatrième site au cours de l’année 2013 et nous en ouvrons une dizaine de plus en 2014. Par ailleurs, l’initiative a intéressé d’autres régions : la Bretagne, par exemple, expérimente le travail bi-localisé à Saint-Brieuc, Lamballe et Redon. Enfin, nous avons étendu le travail bi-localisé à une troisième tranche horaire : désormais, il est possible de couvrir l’une des deux pointes ou bien la journée « classique ».

 

Eve le blog : Quels retours d’expérience avez-vous, après environ un an d’expérimentation?

Robert Piana : Les retours sont très positifs. Les volontaires qui ont testé le travail bi-localisé évoquent des bénéfices directs sur leurs conditions de vie : une collaboratrice en temps partiel nous a fait savoir qu’elle envisageait de revenir à temps complet grâce à cette solution ; d’autres apprécient de pouvoir honorer un rendez-vous chez le médecin ou d’être à la sortie de l’école à l’heure où d’habitude, ils sont dans les transports en commun.

Par ailleurs, on a observé de vrais effets sur la communication entre services et l’esprit de coopération : de nouvelles communautés de travail se sont créées en gare. Ca fait tomber beaucoup de barrières : récemment, un agent d’exécution me disait qu’il avait été très agréablement surpris par la spontanéité avec laquelle un cadre s’était mis à sa disposition pour gérer une situation perturbée. Ça crée du lien, du sens et favorise le sentiment d’appartenance ; chacun-e peut partager le quotidien au travail des un-es et des autres et comprend mieux ce qu’ils font.

 

Eve le blog : C’est en cela que le travail bi-localisé est vraiment un plus par rapport au télétravail?

Robert Piana : Le travail bi-localisé est effectivement, comme le télétravail, une option dans l’éventail des modes d’organisation du travail qui permettent un meilleur équilibre des temps de vie, avec tout ce qu’on sait des bénéfices qui en découlent sur la productivité et le bien-être des collaboratrices et collaborateurs. Mais ce que le travail bi-localisé a de plus que le télétravail, c’est qu’il n’isole par le collaborateur ou la collaboratrice, lui permet d’avoir un véritable espace de travail bien équipé et conforme aux normes de sécurité et d’assurance.

 

Eve le blog : Avec l’expérience du travail bi-localisé, vous avez créé une sorte de laboratoire d’innovation sociale… Quelles ambitions avez-vous pour ce projet, dans un avenir proche et plus lointain?

Robert Piana : L’entreprise croit au dispositif et investit dans son développement. Moi, en tant qu’ancien financier, j’ai un souci constant : que le travail bi-localisé soit véritablement créateur de valeur ajoutée pour SNCF. J’ai donc à très court terme des objectifs de remplissage des sites concernés. Pour cela, nous avons engagé un travail de communication pour faire connaître cette solution.

Et il y a aussi un travail de fond, plus managérial, pour accompagner les transformations des mentalités et des cultures au travail. Il s’agit bien d’élargir le champ des façons de travailler ensemble, pour être plus agiles et plus efficaces, plus en phase avec les attentes de nos collaborateurs et collaboratrices et avec celles de nos clients.

 

 

Propos recueillis par Marie Donzel et Catherine Woronoff-Argaud, pour le blog EVE.

 

 

Lire aussi :

 

– Notre billet consacré à l’obtention par SNCF du label égalité professionnelle de l’AFNOR

– Notre boîte à outils « conciliation des temps de vie »

– Notre article sur l’expérience d’une conciergerie d’entreprise sur le réseau Transilien

– Notre best-of des initiatives innovantes des entreprises pour un management durable et un leadership équilibré