Etude : les femmes sous-représentées dans les médias en temps de crise

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La pandémie de Covid-19 a rappelé l’importance des médias : l’information a servi de soutien aux citoyen·ne·s des villes du monde entier qui se sont, l’une après l’autre, confinées. Les journaux télévisés ont battu des records d’audience, les sites d’information ont reçu des millions de visiteurs, les créateurs de podcast ont profité du temps à la maison pour se lancer dans leur aventure… Malgré la considérable augmentation de la production de contenus, les femmes n’ont pas pris leur pleine part de visibilité pendant cette période : c’est le constat du Rapport d’Étape – « Place des Femmes dans les Médias en Temps de Crise ». Voici ce qu’il fallait retenir de cette étude.

« Les femmes en première ligne » aura été l’une des phrases les plus écrites et prononcées durant la période de confinement. Elles sont en effet majoritaires dans les hôpitaux, aux caisses des supermarchés ou dans le secteur du « care » – c’est-à-dire, là où il fallait être pour faire face au coronavirus. Néanmoins, lorsque les médias avaient besoin d’un·e représentant·e de l’État (14% des interviewé·e·s étaient de femmes), d’un·e expert·e (20%) ou d’un·e personnalité politique (24%), les hommes prenaient la parole le plus souvent.

Interpelés sur cette régression de la place des femmes au micro des journalistes, les médias ont invoqué plusieurs raisons, parmi lesquelles : l’effet « surprise » de la pandémie qui a en quelque sorte produit un réflexe de « rabattement » sur le carnet d’adresse usuel des journalistes (comptant plus d’hommes que de femmes) ; la relative rareté des femmes aux postes en vue et finalement l’hésitation des expertes à intervenir.

Ce dernier argument a été repris par Anne Chemin dans un article paru dans le Monde où elle expose les tenants et aboutissants d’une forme de « sagesse » féminine : le choix de prendre du recul et d’avouer ne pas avoir des réponses claires et précises sur un sujet nouveau et inconnu de la science, plutôt que de s’exprimer de façon précipitée. « Faut-il pour autant que les filles calquent leurs comportements sur ceux des garçons ? Qu’elles affichent, une fois adultes, l’aplomb et l’assurance des hommes ? Qu’elles se montrent, sur la scène intellectuelle, aussi conquérantes et affirmatives que leurs homologues masculins ? », interroge l’autrice. Vieux débat que celui qui met en tension la nécessité de prendre part au pouvoir et les styles d’exercice du pouvoir, au risque d’une « virilisation » des femmes ou de leur essentialisation ; le complexe de la bonne élève et celui de superwoman, l’autocensure et l’assertivité

Autre point souligné par ces données : pendant la crise, les médias ont continué à assigner les femmes à des rôles spécifiques, comme celui de mère (les « mamans confinées qui s’occupent des enfants »), de femme de ménage ou de victime de violences conjugales. Dans le sport, la sous-représentation s’est aussi confirmée : seulement 2,4% des articles de la version papier de l’Équipe entre le 14 mars et le 10 mai étaient dédiés aux femmes (certaines joueuses interviewées, par ailleurs, parlaient en tant que soignantes et non en tant que sportives).

Pour améliorer la place des femmes dans les médias, le Rapport d’Étape propose quelques mesures. Tout d’abord une charte d’engagement en matière d’égalité femmes/hommes à mettre en place par les journaux, les sites d’informations, les émissions télévisées, etc. Ensuite, la possibilité d’obtenir un label reconnaissant l’effort de faire évoluer la mixité au sein de l’entreprise. Finalement, la création d’un poste de « gender editor » qui aurait comme mission la rédaction d’articles sur les inégalités de genre et la relecture des textes avant publication pour s’assurer qu’ils aient un discours cohérent avec les principes d’égalité.

Marcos Fernandes pour le webmagazine EVE