Tips : adopter une « écologie digitale » en travail à distance

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De nombreux travaux prospectifs prédisent que le travail « en présentiel » ne sera plus la règle par défaut, même après la fin de la crise CoviD.

Dans le même temps, autant d’études mettent en évidence les risques psychosociaux associés au tout télétravail : au-delà de la seule question de l’isolement et de la perte de lien social, une grande fatigue s’exprime chez les collaborateurs et collaboratrices qui se sentent envahi·e·s par la profusion d’outils digitaux et la multiplication des sollicitations qui passent par ceux-ci et expriment par ailleurs de vraies difficultés à prendre du temps pour souffler dans des journées où visios et conf-calls s’enchaînent.

Alors, il va bien nous falloir adopter une « écologie digitale ». Pour nous-mêmes, mais aussi avec les autres.

Non, mon agenda n’est pas un open-bar !

L’agenda partagé n’est pas une nouveauté… Mais du temps où l’on se voyait en vrai, le réflexe était plutôt à aller demander à sa/son collègue quand elle/il aurait un créneau pour faire un point sur tel ou tel projet. Désormais, nous sommes bon nombre à avoir pris l’habitude de « coller » des réunions dans les agendas des un·e·s et des autres : hop un trou entre 11h45 et 12h15, je fais une « invitation », je clique sur le bouton permettant d’associer une visio et zou, ça part direct s’inscrire dans le planning de l’autre. Et nous voilà tou·te·s avec des journées où l’on quitte un Zoom pour rejoindre une Teams, qu’on clôture pour passer à la suivante, puis c’est un Webex etc.

Plusieurs solutions pour échapper à cet effet « agenda open bar » : vous pouvez, pour commencer, bloquer des plages horaires « non disponible » dans chaque journée, voire à plusieurs moments de la journée. Vous pouvez aussi prendre le parti de répondre systématiquement aux « invitations » que l’on vous envoie en demandant gentiment que l’on vous pose la question avant de caler des points dans votre agenda. Un peu d’assertivité, tout en courtoisie bien entendu, ça ne fait pas de mal pour installer de l’écologie digitale !

Évitons les réunions distanciel-présentiel

Parmi les « irritants & épuisants » de l’organisation du travail partiellement en présentiel et partiellement en distanciel, il y a ces réunions où l’on ne sait jamais qui sera là autour de la table physique et qui se joindra par visio. Une gageure à animer car les codes de la réunion virtuelle et ceux de la rencontre immédiate ne sont pas les mêmes : dans un cas, il faut être très vigilant·e au respect des tours de parole, dans l’autre le « tac-au-tac » est plus aisé ; dans un cas, il est souhaitable d’aller droit au but pour faire passer efficacement son message, dans l’autre les digressions ont davantage leur place ; dans un cas, l’expression orale (et écrite, via le tchat) ont la primeur, dans l’autre, il y a plus de place au non-verbal…

Alors, choisissons notre camp : quand on décide qu’une réunion est en présentiel pour de bonnes raisons (comme par exemple le besoin de convivialité ou bien la nécessité de brainstormer sans s’autocensurer ni « retenir » ses idées), chacun·e fait l’effort de s’organiser pour être sur place ; quand une réunion se fait par visio, elle se fait par visio… Ce qui n’empêche pas de prendre aussi du temps, au moins en début d’échange, pour l’informalité : prendre des nouvelles, partager des impressions, des idées, des coups de cœur…

Informer, ce n’est pas que « déposer » du contenu !

De nombreux outils conçus pour nous faciliter la vie et le travail collaboratif se révèlent à l’usage des centres de dépôt de tout contenu que chacun·e estime devoir rendre disponible aux autres… Au risque de considérer par défaut que ce qui est dans le drive, sur Trello, dans le dossier Teams, sur Slack, sur Telegram, entre autres espaces de partage en ligne est lu, connu, su, approprié et prêt à être mis en œuvre. Oui, mais non ! Parce que même si on active les notifications pour tous ces outils, on n’est pas forcément disponible pour en prendre connaissance immédiatement et comme il y a des chances pour que d’autres fichiers soient partagés dans les heures qui viennent, on accumule surtout de la charge mentale et de la culpabilité sur le mode « misère ! Tout ce que j’ai en retard dans la liste de ce que je dois consulter !!! Je ne vais jamais y arriver ».

Une bonne organisation des fichiers partagés, avec une nomenclature simple permettant à chacun·e de retrouver celui qu’il/elle cherche au moment où il/elle en a besoin peut aider. Mais un peu d’écologie relationnelle aussi : suis-je bien certain·e, à chaque fois que je dépose un document (dont je suis forcément très fier·e puisque c’est moi qui l’ai produit J !) quelque part, que celui-ci est utile à d’autres ? Est-ce que j’ai fait l’effort de présenter le contenu que je partage de façon empathique, en mettant en évidence l’utilité qu’il aurait pour celles et ceux qui le consulteront ? Est-ce que je veille à informer par d’autres moyens que le dépôt sur un outil collaboratif celles et ceux que j’ai identifié·e·s comme moins à l’aise avec l’outil ? Un petit coup de fil, par exemple, pour expliquer à quoi ça sert et comment on se connecte !

Poser des limites, en conscience de ses propres ressources et de celles des autres

« Allez, t’as bien un petit créneau avant 9 heures ? », « Bon, alors entre midi et deux ? Ou après 18h ? », « Ce serait bien que tu te joignes à l’équipe de ce projet transverse, cette période de changement, c’est aussi l’occasion de s’ouvrir à d’autres horizons », « Il faudrait qu’on se penche sérieusement sur ce truc qui traîne depuis des mois. Je te laisse prendre le lead ! » etc. En présentiel, on ressent assez naturellement la charge de travail, le niveau de fatigue, la disponibilité de chacun·e et il suffit de constater que quelqu’un·e a la tête dans le guidon et/ou ploie sous la masse de boulot pour ne pas lui en rajouter… Mais en distanciel, on perçoit nettement moins l’état des ressources des un·e·s et des autres, y compris de soi-même. Et on est tenté·e d’en rajouter toujours un peu plus !

Il est temps de réapprendre à (se) dire « non ». Non, je ne prendrai pas un rendez-vous de plus dans une journée qui comporte déjà 3 visios et 4 calls, même si, dans l’absolu, il resterait bien un petit créneau dispo. Parce qu’en fait, même si je voulais, mon cerveau n’arriverait pas à enregistrer toutes les informations reçues en moins de 24 heures. Oui, je veux bien m’adapter mais non, je ne me formerai pas à trois nouveaux outils digitaux différents en moins de 15 jours.  Parce que tout simplement, mon système cognitif, tout plastique soit-il, n’est pas en capacité de créer autant de chemins neurologiques qui me permettront de passer de la compréhension à la pratique. Oui, je veux bien être solidaire avec mon/ma collègue qui a besoin que je le soulage d’une mission, mais non je ne peux pas prendre ce boulot au pied levé, la veille du moment où il faut livrer. Tant qu’à faire, puisque je prends ces bonnes résolutions pour moi-même, je les applique aussi dans mes relations aux autres : je suis débordé·e et j’ai besoin d’aide pour une mission, j’anticipe pour que mes collègues prêt·e·s à m’accompagner puissent s’organiser. J’ai besoin qu’untel ou unetelle prenne connaissance d’un dossier ou se familiarise avec un outil, je vois avec il/elle quand ce sera possible. Bref, en participant à réduire la pression, sur moi-même comme sur les autres, je nous préserve tou·te·s de l’épuisement lié aux sur-sollicitations.

 

 

Marie Donzel, pour le webmagazine EVE