Tips : comment affirmer sa singularité au boulot ?

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Travailler à être soi, mieux se connaître et trouver son alignement, c’est bien. Mais encore faut-il que cette singularité qui fait votre personnalité authentique se fasse connaître, comprendre et accepter par votre entourage.

Pas si facile… Surtout dans le cadre du travail où l’on craint encore trop souvent que s’affirmer soit reçu comme se mettre en avant, faire valoir excessivement son individualité voire défendre son individualisme et imposer trop de contraintes au collectif… Alors, comment affirmer sainement et efficacement sa singularité dans le monde professionnel ?

 

Faire de ses singularités un motif de fierté bien positionnée

Vous êtes une des rares femmes dans un environnement masculin (ou l’inverse) ? Un·e des rares jeunes au sein d’un collectif de personnes expérimentées (ou l’inverse) ? Vous êtes minoritaire de par votre orientation sexuelle, vos croyances, votre culture ? Vous êtes porteure/porteuse d’un handicap visible ou invisible ? Vous avez vécu des expériences rares ? Vous avez un talent spécifique ? Vous avez des contraintes personnelles auxquelles votre manager et vos collègues ne sont pas confronté·e·s ?

Ne vous laissez pas d’emblée piéger par le « syndrome de la schtroumpfette » qui conduit à deux écueils : le conformisme (quand on cherche à étouffer ses singularités pour se rapprocher le plus possible de la norme) ou le surjeu de l’exceptionnalité (quand on devient une caricature de son genre, de son âge, de sa condition, au risque de ne plus rien montrer de soi à force de performer ses groupes d’appartenance).

Faites de vos singularités un motif de fierté bien placée : vous n’avez ni honte ni gêne à être ce que vous êtes comme vous l’êtes. Votre identité qui s’affirme, ce n’est pas un acte de militantisme, ce n’est pas une provocation, pas du prosélytisme, pas une contestation, c’est juste vous qui existez à la première personne. Ce que vous demandez, ce n’est pas un traitement de faveur, c’est juste d’être considéré·e comme chacun·e a le droit de l’être, dans le respect de votre estime de soi.

Quant au fait que votre condition ou votre situation vous amènent à avoir un rythme différent de celui de la majorité, à avoir d’autres besoins, d’autres contraintes, d’autres aspirations, vous êtes disponible pour travailler avec le collectif à des solutions acceptables pour que vous-mêmes comme les autres puissiez travailler et grandir ensemble. Votre inclusion, ce n’est pas votre problème personnel d’intégration, mais l’affaire de tou·te·s.

 

Se faire ambassadeur-pédagogue de vos singularités

Souvent, si les singularités sont difficiles à exprimer et à faire accepter, c’est qu’elles sont mal connues et mal comprises. A vous de jouer, en tant que personne porteuse d’un marqueur spécifique dans un environnement donné (car rappelons que dans d’autres contextes, votre particularité peut être la norme) afin de mettre en lumière les dimensions variées de votre singularité.

Votre appartenance à tel sociogroupe induit un certain nombre de repères, un certain vécu des choses, une certaine sensibilité qui peut vous rendre plus attentif/attentive ou réactif/réactive à certaines choses…

N’attendez pas que cela se mue en objet de tensions pour échanger avec les autres : il est toujours plus facile d’expliquer hors contexte de crise ce qui tourne autour des questions d’identité. Rien ne vaut le calme pour aborder qui l’on est, par-delà les préjugés et en donnant à lire toutes les nuances d’une appartenance (de fait ou choisie) ainsi qu’en faisant valoir que l’on n’est pas non plus réductible à ses apparentes singularités.

Ne soyez pas jugeant·e à votre tour. Peut-être que le fait même qu’on vous pose certaines questions vous semble révélateur d’un racisme larvé, d’un sexisme inconscient, d’une homophobie lassante, d’une handiphobie naïve, d’un âgisme ou d’un infantisme (fait de considérer les plus jeunes comme moins capables) latents etc. Mais si l’on part du principe (généralement vérifiable) que personne ne discrimine un·e proche par plaisir sadique, ces fausses routes résultent avant tout du manque d’information et de culture.

Soyez pédagogue : expliquez sans asséner, positionnez la discussion sur le terrain de l’intérêt de chacun·e pour autrui et non du débat de société, combattez les stéréotypes sans culpabiliser (une bonne façon de faire est de rappeler la différence entre stéréotypes et biais), soyez concret·e sur les impacts de vos singularités sur votre vie et sur vos relations aux autres…

 

Reconnaissez les singularités des autres

Et puis, faites aussi place à la parole authentique de l’autre singulier. Toutes les diversités ne se voient pas et force est de constater que tous les environnements normés contiennent une majorité de personnes qui ne se retrouvent pas pleinement dans la norme. Vous êtes dans un milieu masculinisé, où d’une part il y a une majorité d’hommes et d’autre part une culture plutôt viriliste ? Ça vaut le coup de tendre des perches pour vérifier que les individus masculins se sentent tous complètement à l’aise avec le machisme ambiant…

Il y a de fortes chances pour qu’un certain nombre soit plutôt fatigué de ce rapport de genre dépassé et ne demandent qu’à voir l’ambiance évoluer sans oser se manifester à contre-courant de la norme. Vous êtes dans un milieu jeuniste ? Pas sûr que tou·te·s les jeunes de l’équipe se sentent complètement Y-compatibles ! Vous êtes porteur/porteuse d’un handicap identifié ou d’une affection de santé diagnostiquée ? Il se peut qu’en en parlant, vous permettiez à des personnes qui n’osent pas se signaler comme ayant aussi un handicap, voire qui n’ont jamais fait la démarche de parler de leurs difficultés à des soignant·e·s de libérer la parole et d’engager des démarches de soin.

C’est un grand classique pour certaines maladies chroniques plus ou moins taboues comme l’endométriose, le VIH, la maladie de Crohn, l’addiction, les troubles psychiques, la polyarthrite rhumatoïde, la fibromyalgie etc. Vous avez des contraintes horaires en tant que jeune parent ? Et si votre collègue dont les aîné·e·s sont en situation de perte d’autonomie partageait avec vous pas mal de préoccupations ? Vous vous sentez obligé de faire oublier votre appartenance à une communauté religieuse ? Peut-être que vous avez plus en partage que chacun·e ne l’imagine a priori avec celles et ceux qui évitent que se sache qu’ils/elles sont investi·e·s dans un courant militant, même si celui-ci est connu pour être particulièrement laïc.

Bref, en faisant de vos singularités le miroir de celles des autres, vous contribuez à construire des espaces de partage là où il y a trop souvent des zones de rupture.

 

Proposer le cas individuel comme une opportunité collective

Enfin, puisqu’en affirmant votre singularité, vous ne visez ni à amener autrui à adopter votre point de vue particulier ni à obtenir un traitement d’exception, mais seulement à pouvoir vivre en bonne intelligence avec le collectif, faites de vos raisons de solliciter des évolutions de l’environnement de bonnes occasions de produire des effets positifs pour le plus grand nombre.

Vous, vous avez besoin de flexibilité pour concilier vie pro et vie familiale. Mais peu importe la cause qui vous y amène, au fond, si cette flexibilité répond à une demande exprimée par d’autres, que ce soit pour mieux respecter leur rythme biologique, s’adonner à une passion, être au rendez-vous d’engagements ou n’importe quoi d’autre. Pour vous, il est vital qu’on adapte l’espace et les postes de travail de façon à réduire vos douleurs chroniques. Cela ne peut que profiter au plus grand nombre de bénéficier d’un équipement ergonomique.

Vous, vous n’êtes pas à l’aise avec certains usages de la culture du collectif parce que les private jokes des vétérans des années 1980 ne sont pas spécialement marrantes pour le Millenial éveillé que vous êtes. Mais est-ce que tout le monde n’a pas à gagner à ce que le principe même des private jokes, quelle que soit leur datation, soient évitées dans la mesure où elles sont l’expression d’un entre-soi qui fait obstacle à l’inclusion ?

La transversalité des actions est un des piliers d’une inclusion bien acceptée et bien appropriée par chacun·e : soyez force de proposition pour élever vos besoins singuliers au rang de bénéfice pour tou·te·s !

 

Marie Donzel, pour le webmagazine EVE