De quelle façon le genre de la personne qui nous évalue (en situation scolaire, sportive, professionnelle etc.) influe (ou pas) sur nos performances ? La question n’a que peu intéressé la recherche au cours des 50 dernières années. Trois universitaires suédois ont compilé les rares études sur le sujet et apportent des compléments d’information utiles sur la question.
Dis-moi qui t’observe, je te dirais comment tu réagis
Les études scientifiques ne renseignent quasiment jamais le genre des personnes qui conduisent les expériences engageant des sujets, cobayes animaux ou volontaires humains. Pourtant, les universitaires Colin Chapman, Christian Benedict et Helgi Schiöth de l’université d’Upssala en Suède révèlent dans un récent rapport que le genre de l’expérimentateur·trice a bien des effets sur le comportement mais aussi sur les aptitudes mentales et les réponses physiologiques des sujets de l’expérimentation.
Plus ou moins intelligent·e selon le sexe… du prof ?
Que les caractéristiques de la personne qui nous évalue puisse impacter nos comportements est assez intuitif. Mais notre intelligence, vraiment ?
Genre et intelligence. Depuis 1977 et l’étude de Dana & Back sur les tests de QI, on constate que les examinatrices induisent de meilleurs résultats que les examinateurs chez les enfants en termes de quotient intellectuel, de compréhension et de vocabulaire sur l’échelle de Wechsler.
Genre et créativité. Une autre étude, datant de 1967, montre que les expérimentateurs sont plus disposés que les expérimentatrices à stimuler la créativité de leurs participant·es. Les expérimentations conduites par des hommes aboutissent à davantage de résolutions créatives de problèmes auprès des deux sexes, et particulièrement auprès des femmes.
Genre et mémoire. Selon l’étude de Rosenthal & Jacobson de 1966, l’apprentissage est également influencé par le genre du prof : les filles apprendraient significativement plus vite et retiendraient mieux en suivant le cours d’un enseignant plutôt que celui d’une enseignante !
Le corps parle… de notre besoin de plaire !
Sur le plan physiologique, l’influence du genre de la personne qui nous observe et/ou nous évalue est moins intuitive, mais pas moins redoutable. Et elle joue sur nos performances physiques, mais également sur nos équilibres endocriniens.
Performance physique. En 1976, Roberta Rikli, chercheuse à l’Université de Californie, a établi que les performances en course sont meilleures quand les participant·es sont évalué·es par des personnes du sexe opposé. Et ça n’est pas qu’une affaire de mental ! Ça se lit dans les dosages hormonaux.
Réponse hormonale. En effet, l’expérience de Ronay & Von Hippel menée en 2010 sur de jeunes skaters a permis d’identifier une appétence au risque multipliée en présence d’une observatrice… Plus encore si elle est attirante ! Simple désir de se faire remarquer ou poussée d’hormones ? Surprise ! Les dosages révèlent un essor de testostérone, entre autres stéroïdes sexuels…
Pourquoi nos performances augmentent-elles face au sexe opposé ?
Plusieurs raisons peuvent expliquer un tel différentiel de réactions en fonction du genre de la personne qui nous observe. Parmi les hypothèses avancées, celle d’un stress psychosocial : la présence du sexe opposé entraînerait plus de compétitivité et plus d’anxiété. Il y aurait derrière cela un enjeu de séduction caché qu’on ne serait pas étonné·es ! D’autant que Chapman, Benedict & Schiöth notent que cet effet « genre de l’observateur » varie en fonction de l’orientation sexuelle de l’observé·e.
Attention : séduction rime avec sublimation. On n’est pas au labo ou au boulot comme sur un terrain de chasse ! Il n’est ainsi pas tant question de trouver un·e partenaire que de se prouver à soi-même, via le regard miroir de l’Autre, que l’on peut donner le meilleur de sa personne.
Valentine Poisson, pour le webmagazine EVE