Quelles sont les clés d’un mentoring réussi ?

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Après 26 ans chez Danone et en tant que Directrice Diversité, Catherine Thibaux a fondé en 2011 INTER-VENIR Consulting, une société qui accompagne les entreprises dans la mise en place de programmes de mentoring. À l’occasion de la sortie de son livre « Les clefs d’un mentoring réussi », préfacé par Muriel Pénicaud et paru en mars 2019, Catherine Thibaux a chaleureusement accepté de répondre à nos questions.

 

 

 

Programme EVE : Vous qui êtes de longue date engagée sur la diversité en entreprise, pourquoi pensez-vous que le mentoring est si important dans les politiques de mixité ? 

Dans les politiques de mixité (mais pas seulement !) le mentoring génère un double effet kiss cool. D’abord, par les perspectives nouvelles qu’il donne aux femmes qui sont mentorées par des personnes plus seniors sans lien hiérarchique avec elles. Elles réalisent que tout en haut de la pyramide il n’y a pas de « supermen » ou de « superwomen » mais bien des êtres humains, avec leurs doutes et leurs questions, cela fait baisser la pression ! Elles découvrent également certaines règles du jeu implicites de l’entreprise, comme les façons d’entretenir son réseau ou de se faire connaître dans le milieu professionnel… Autant de savoir-faire qui leur permettent d’oser !

Les mentees ne sont pour autant pas les seules à bénéficier du mentoring. En effet, les mentors apprennent aussi ! Notamment les mentors hommes approfondissent leurs connaissances de la réalité vécue par leurs mentees : leurs ressentis, leurs problématiques comme la charge mentale, leurs représentations du modèle de leadership, leurs stratégies pour équilibrer leurs temps de vie… Et la bonne nouvelle, c’est qu’il réajustent leurs pratiques managériales !

Les bénéfices du mentoring se retrouvent à tous les niveaux : pour la mentee, pour le mentor… Et pour l’entreprise, car le mentoring permet de développer une culture de l’entraide, et par là, renforce inclusion et cohésion au sein des organisations.

Programme EVE : Vous êtes à l’origine du programme de cross-mentoring EVE2EVE. Comment vous est venue cette idée d’un mentoring interentreprises ?

Cette idée n’est pas de moi ! Elle est née lors d’une rencontre « After EVE ». Beaucoup de propositions avaient émergé des travaux de groupe destinés à entretenir l’esprit de sororité du séminaire, et celle d’un mentoring croisé fut particulièrement plébiscitée. J’accompagne cette expérience avec bonheur depuis 7 ans. Dans les ateliers inter actifs que j’anime, nous travaillons la posture et l’écoute pour des relations authentiques et fructueuses, et nous partageons les bonnes pratiques. Les résultats sont enthousiasmants. Aujourd’hui, ce sont près de 200 femmes et hommes des 7 partenaires du programme EVE qui ont pu bénéficier de ce mentoring interentreprises !

Programme EVE : Quelles en sont ses vertus ? 

Le premier objectif est de permettre un ancrage des acquis du séminaire EVE dans le quotidien, d’en prolonger les bénéfices dans la durée, le « pouvoir agir ». D’ailleurs, ce mentoring interentreprises suit un mode de fonctionnement « pair à pair » tout à fait original : dans le binôme, chacun·e est à la fois mentor et mentee car les binômes sont constitués au même niveau de responsabilités, dans un esprit de bienveillance et de réciprocité.

Le deuxième objectif est de maximiser le frottement entre les cultures d’entreprise pour accélérer l’échange des bonnes pratiques et la transformation des modes d’organisation. Le fait que les binômes soient issus d’univers professionnels différents favorise une liberté de parole encore plus grande que dans un mentoring classique, une plus grande générosité dans le partage.

L’entraide est à la fois individuelle et collective !

Programme EVE : Vous venez de sortir un livre intitulé « les clés d’un mentoring réussi ». Pour vous, quels sont les principaux pièges à éviter quand on entreprend une relation mentor/mentee ?

Tout d’abord j’ai écrit ce livre parce que j’ai tellement de témoignages qui en montrent les bienfaits que j’ai eu envie de contribuer au développement du mentoring en les partageant et en formalisant les clefs essentielles pour y parvenir. C’est un livre pratique qui s’adresse autant aux mentors, aux mentees qu’aux responsables en charge de déployer de tels programmes.

Pour le ou la mentor, un des pièges à éviter est de se positionner en mode projet vis-à-vis de son mentee, en pensant savoir ce qui est bon pour lui·elle. Il arrive que des mentors, avec les meilleures intentions du monde, tombent dans le travers du « sachant ». Le mentoring est une forme d’accompagnement qui suit une philosophie maïeutique socratique. La clé du côté mentor, c’est d’explorer avec un questionnement ouvert, d’être dans une écoute empathique qui favorise l’attention à l’autre et l’élaboration des solutions par le·la mentee.

Un des pièges pour les mentees serait de vouloir se conformer et de faire plaisir à leur mentor, au risque de perdre leur libre arbitre. Penser qu’il pourrait y avoir des sujets plus « intéressants » que d’autres, vouloir appliquer sans distanciation des conseils reçus de leur mentor, tout cela est au détriment d’une relation où l’on ose être soi-même, connecté·e à ce qui est vraiment important pour soi. La clef pour le·la mentee, c’est d’arriver à dire à son mentor ce qui va l’aider, c’est exigeant.

Programme EVE : Et quelles sont les conditions d’une relation saine et constructive ? 

C’est un ensemble de petites choses à la fois simples et indispensables. Les conditions matérielles par exemple, paraissent être un détail mais ne le sont pas du tout : prêter une attention particulière au lieu dans lequel se tiendront les rencontres de mentoring, penser en amont le rythme et la durée des rendez-vous, au temps dont on dispose, tout ce qui va favoriser la praticité et le confort des RDV, est essentiel au démarrage. Et évidemment, être prêt·e à tenir ses engagements dans le temps !

Tout aussi essentiel est de cadrer la relation entre mentor et mentee, en rappelant par exemple que tout ce qui se dira est confidentiel et en n’oubliant pas de répartir les rôles : qui a la charge d’organiser les rendez-vous ? Est-il possible de s’appeler en dehors des RDV ? Est-on bien d’accord qu’on va montrer chacun·e de soi-même, partager expérience et idées, et non pas donner des solutions toutes faites ? Est-on au clair sur ce qu’est le mentoring ? (et ce qu’il n’est pas !).

Le dernier point, qui est crucial pour entretenir une relation de qualité dans la durée, repose sur la notion de feedback. Le conseil que je donne aux binômes que je forme est de se garder un petit temps à la fin de chaque rencontre pour se donner un feedback réciproque : ce qui a retenu, apprécié, ce qu’on a envie d’expérimenter, ce qui a bien convenu et ce qui a gêné dans la façon de s’accompagner, ce qui permet des micro ajustements pour être au plus près des attentes de chacun·e.

Propos recueillis par Valentine Poisson