« Vous avez tout pour réussir »… Puisque Sylvie Bernard-Curie et Christophe Deval vous le disent !

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Sylvie Bernard-Curie, nous la connaissons bien : directrice des ressources humaines de KPMG et présidente du Comité des Sages du Programme EVE, elle s’est prêtée au jeu du portrait (de personnalité modèle) que le blog affectionne tout particulièrement. A l’époque, elle nous avait parlé de Bisounours et d’expertise-comptable, de petits cailloux et de bien-être au travail, de vie privée et de vie professionnelle et de tout ce que l’entreprise pouvait engager pour en favoriser la conciliation. Cachottière, elle ne nous avait cependant pas dit qu’aux multiples casquettes qui la coiffent déjà, elle prévoyait d’ajouter bientôt celle d’auteure d’ouvrage de développement de soi (même si la passion avec laquelle elle nous avait parlé de sa formation en psychologie du travail aurait pu nous mettre la puce à l’oreille).

Cette nouvelle casquette, elle la partage avec Christophe Deval, également collaborateur de KPMG, senior manager RH en charge du développement des talents. Ensemble, ils ont écrit Vous avez tout pour réussir – Bien dans mon job, bien dans ma vie avec l’approche ACT.

Avec une complicité non dissimulée, ils nous ont parlé de leur découverte de cette fameuse « approche ACT », de leur intention de la faire connaître en France dans le monde du travail, et partant, de la genèse et de l’élaboration de cet énergisant petit livre à quatre mains qui désarmera définitivement tous les « j’voudrais ben, mais j’peux point » et autres « quand j’aurai moins la trouille, je me botterai les fesses pour accomplir mes rêves« .

 

Conversation à trois voix et à bâtons rompus sur la place des émotions, les leviers du changement, l’audace d’être soi.

 

 

Programme EVE : Bonjour Sylvie, lors de notre rencontre de 2012, vous nous aviez parlé de votre passion, remontant à l’adolescence, pour la psychologie. Nous apprenons aujourd’hui que sort votre livre que vous êtes psychologue du travail en libéral, en plus de vos fonctions chez KPMG. Comment articulez-vous ces deux activités (et comment gérez-vous votre temps, au passage) ?

 

Sylvie Bernard-Curie : A vrai dire, dans mon histoire professionnelle, ce sont deux choses étroitement liées, depuis déjà vingt ans (ça m’a laissé le temps de m’organiser pour concilier toutes mes vies, pour répondre à votre question sur la gestion du temps).

En effet, quand en 1995, j’ai créé la fonction RH et le développement des talents chez KPMG, j’ai naturellement éprouvé le besoin de me former, il me fallait, pour bien bâtir ce projet stratégique pour le groupe, partir des fondamentaux, comprendre comment l’individu se construit dans le travail, comment les interactions se font entre les individus dans l’environnement professionnel. Pour me former à tout ça, j’ai choisi le CNAM, parce que le cursus proposé était extrêmement riche, avec une approche très transverse faisant se croiser la socio, le droit, la psycho, les statistiques, le management…

Ca m’a d’emblée permis d’aborder la psychologie du travail avec une attention toute particulière aux dynamiques en jeu. J’ai aussi pu très rapidement utiliser ces données-là pour mettre en place un environnement bienveillant de travail afin de créer du collectif tout en favorisant l’autonomie construite de l’individu.

 

 

Programme EVE : Aujourd’hui, Sylvie, vous nous présentez votre co-auteur, Christophe Deval. Je suis également curieuse de savoir quel parcours l’a mené, lui aussi, à avoir ces deux métiers, senior manager chez KPMG et psychologue clinicien en libéral.

 

Christophe Deval : Je suis entré chez KPMG comme auditeur à la fin des années 1990. Rapidement, j’ai débuté, en parallèle, des études de psychologie… Par passion!

En 2001, j’ai fait une demande de temps partiel. J’étais le premier homme avec moins de trois ans d’ancienneté qui faisait une demande de ce type-là. C’est arrivé aux oreilles de Sylvie qui s’est dit « tiens, tiens, voilà quelqu’un qui… »

 

Sylvie Bernard-Curie : … Qui mérite qu’on aille regarder ça d’un peu plus près ! Et que je vais déjà, pour commencer, s’il le souhaite, faire venir dans mon équipe !

 

Christophe Deval : Alors, à la faveur d’une mobilité interne, j’ai rejoint les RH tout en poursuivant en master pro de psycho. Au cours de cette formation, j’ai fait un stage chez Stimulus, l’un des tout premiers cabinets de conseil experts en bien-être et qualité de vie au travail, gestion du stress… L’une des dirigeantes de Stimulus, Anne-Marie Cariou, était directrice de l’enseignement à l’Association Française des thérapies Comportementales et Cognitives (AFTCC). J’ai été très séduit dès le départ, par cette approche à la fois scientifique et pragmatique de la psychologie

 

Sylvie Bernard-Curie : … Et en 2009, tu m’as embarqué avec toi, pour une formation de trois ans en Thérapies Comportementales et Cognitives.

 

Christophe Deval : … Et nous avons par ailleurs assisté à la première conférence mondiale sur le courant ACT.

 

 

Programme EVE : Alors ce courant, que vous vous proposez avec votre livre, Vous avez tout pour réussir, d’introduire dans le corpus français des approches du développement personnel et professionnel, quel est-il?

 

Christophe Deval : Sans être trop laborieux, je vous propose de faire un petit historique des thérapies comportementales et cognitives (TCC), pour bien comprendre dans quoi le courant ACT s’inscrit et ce qu’il apporte. On peut schématiquement parler de trois vagues des TCC.

La première nous ramène à la première moitié du XXè siècle, elle s’intéresse aux processus d’apprentissage et pourrait être qualifiée de « comportementale ». En fait, tout le monde connait ça, c’est le chien de Pavlov qui salive quand la cloche sonne, même s’il n’y a rien dans la gamelle. Ca nous dit en gros qu’il existe des réflexes conditionnés non innés qui provoquent des réactions involontaires. La limite de cette théorie, c’est qu’elle fait abstraction des spécifités de l’être humain à savoir sa capacité à penser, un être humain n’est pas l’équivalent d’un chien qui salive !

Et c’est là que la deuxième vague, dite cognitive, arrive, qui considére que si on veut changer quelque chose dans la vie des gens, il faut changer la façon dont ils pensent.

 

Sylvie Bernard-Curie : Un exemple très connu et très parlant d’initiatives inspirées par la deuxième vague, ce sont les stages proposés par les compagnies aériennes pour les gens qui sont terrifiés à la perspective de prendre l’avion. On les expose à leur peur d’une part et on questionne d’autre part leurs pensées liées à l’avion, dans l’objectif de les rendre plus rationnelles (les probabilités réelles que l’avion s’écrase, par exemple).

Le problème avec cette théorie c’est qu’elle part du postulat que les pensées dirigent nos actions. Ce qui n’est pas le cas. Et ensuite le fait de lutter contre ses pensées a souvent des effets contre productifs, puisque cela leur donne de plus en plus d’importance.

 

Christophe Deval : C’est pour cela que la pensée positive ne fonctionne généralement pas puisque dès que tu appelles le positif, tu te souviens en creux qu’il y avait au départ du négatif. Le problème fondamental de cette approche, c’est de dire qu’il y a des façons correctes et incorrectes de penser (sous-entendu « il y a quelque chose qui ne tourne pas rond chez moi ») et que ceci doit être réparé ou corrigé pour que ma vie change.

La rupture que va apporter la troisième vague des TCC, c’est que nous n’avons pas besoin de changer ce qu’on pense ou ce qu’on ressent pour changer sa vie. Le fait d’avoir des pensées ou des émotions négatives relève du fonctionnement parfaitement normal d’un cerveau humain. Les problèmes ne viennent pas de là mais de la façon dont on réagit à ces pensées et émotions.

 

 

Programme EVE : Et c’est dans cette vague que s’inscrit donc l’approche ACT, n’est-ce pas ? ACT, pour commencer, ça signifie quoi ?

 

Sylvie Bernard-Curie : C’est l’acronyme de Therapie d’Acception et d’Engagement (Acceptance & Commitment Therapy).

Ce qu’on accepte, ce sont les émotions et les pensées, même quand elles sont inconfortables.

Ce à quoi on s’engage, c’est à construire une vie qui vaut la peine d’être vécue, en emportant avec soi ses pensées et ses émotions.

Ce qui signifie qu’il n’y a pas de raisons de mettre sa vie en pause, en attendant d’avoir « réglé tous ses problèmes« , d’avoir « réussi à dominer ses pensées et ses émotions ». Parce que ça n’arrivera pas. Et parce que précisément, dès qu’on avance vers quelque chose d’important pour soi, il y a de l’enjeu, donc des émotions possiblement inconfortables, comme par exemple la peur d’échouer.

 

Christophe Deval : On nous a appris que l’intelligence, c’est la capacité à résoudre des problèmes. Alors, face à ce qu’on considère comme un problème, comme la peur, on veut trouver immédiatement des solutions. Mais la vie, c’est pas une succession de problèmes à résoudre, c’est une expérience à vivre. Et c’est aussi vrai dans le domaine professionnel. La question au centre de notre livre, c’est de s’engager dans une vie professionnelle qui a du sens sans d’abord chercher à gagner une bataille contre soi même.

 

Sylvie Bernard-Curie : Nous faisons le distinguo entre « réussir dans la vie » et « réussir sa vie« . Mais c’est à chacun-e de trouver sa propre définition de la réussite quelle qu’elle soit… Une fois que c’est fait, notre objectif est de donner les outils ou les clés pour rendre ceci possible.

 

 

Programme EVE : C’est contre-intuitif et assez raffiné, comme approche. Vous vous êtes lancés un sacré défi, en prenant le parti de l’introduire en France…

 

Sylvie Bernard-Curie : Nous ne l’introduisons pas à proprement parler en France. Rendons cela à Jean-Louis Monestes, qui a publié sur ACT un ouvrage de référence en 2011. Ce que nous apportons de plus, c’est une application de l’approche au monde du travail. Ca, c’est nouveau, oui.

 

 

Programme EVE : Vous proposez dans le livre une sorte de « modèle », le « triflex », pour appliquer à la vie professionnelle ce que vous appelez le « développement de la flexibilité psychologique ». Sans tout dévoiler du livre, pouvez-vous nous expliquez rapidement ce « triflex »?

Christophe Deval : Le triflex, c’est 1) être actif (clarifier ce qui est important pour soi et aller vers cela), 2) être présent (ouvrir les yeux sur ce qui se passe à l’intérieur de soi et sur les opportunités offertes par son environnement) et 3) être ouvert (pouvoir prendre de la distance, laisser un espace psychologique entre soi et ses pensées/émotions pour qu’elles ne dirigent pas sa vie).

 

 

Programme EVE : Pour finir, je voudrais vous questionner sur le choix de vos préfaciers. Il y a Jean-Louis Monestes, ça parait assez évident, mais il y a aussi, quelqu’un qui fait vraiment figure de modèle de réussite professionnelle, c’est Franck Riboud, le PDG de Danone

 

Franck Riboud à EVE 2013

Sylvie Bernard-Curie : Franck Riboud dit toujours que ce qui est intéressant dans l’existence en général et dans l’entreprise en particulier, c’est le frottement. Notre intention d’amener l’approche ACT dans le monde du travail vise aussi au frottement, entre deux univers très éloignés, la recherche fondamentale en psychologie et la culture très pragmatique de l’entreprise. Nous pensons que ce frottement sera au profit des deux… Au profit encore de celui qui pourrait être le troisième préfacier de ce livre, l’individu lui-même.

 

Christophe Deval : Mais celui-ci a en quelque sorte une post-face puisque la dernière page de notre livre indique une adresse mail ! Nous espérons que les lecteurs nous y écriront pour commenter ou témoigner de leur propre expérience. Le livre ne se termine pas à la dernière page.

Ce n’est même qu’un début…

 

 

 

 

Propos recueillis par Marie Donzel, pour le blog EVE

 

Sylvie Bernard-Curie, Christophe Deval – Vous avez tout pour réussir, bien dans ma vie, bien dans mon job avec l’approche ACTInteréditions, mars 2014