Femmes & médias – Marie-Laure Sauty de Chalon, le leadership aufeminin.com

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A la tête du premier média féminin mondial, Aufeminin.com, Marie-Laure Sauty de Chalon est une dirigeante connue pour son engagement en faveur de l’égalité femmes/hommes. Inspirante par les discours, volontiers iconoclastes, qu’elle tient sur le leadership au féminin, elle l’est aussi par sa personnalité même, charismatique et franche, directe et généreuse, énergique et créative.

Dans le cadre de notre dossier thématique « femmes et médias« , nous sommes allées à sa rencontre pour la faire parler de son parcours, de ses projets, mais aussi de sa vision des femmes et de tout ce qui peut participer à mettre en lumière leurs talents.

Portrait.

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Comme Guillaume, une « vraie fille » (!)

« Vous avez vu le film de Guillaume Gallienne? » questionne-t-elle d’entrée de jeu et avec un enthousiasme non dissimulé.

Pour répondre à notre question sur les fondations de sa personnalité, Marie-Laure Sauty de Chalon embraye donc sur Les garçons et Guillaume, à table! : « Enfant, j’étais comme Guillaume Gallienne, la petite fille que mes parents rêvaient d’avoir, après deux grands garçons… J’ai joué le rôle à la perfection et avec un immense bonheur« .

Son enfance, elle la qualifie donc de « très heureuse« , et sa famille de « très aimante« . Et de « plutôt engagée » par ailleurs, « à l’époque, on parlait de famille traditionnelle qui portait des valeurs!« , traduit-elle.

Bref, autour de la table du dîner, chez les Sauty de Chalon, on parlait d’histoire, de politique, de société…

 

Sciences Po : la continuation d’une romantique histoire familiale

Est-ce de la fréquentation précoce de la vie des idées que lui vient l’envie de faire Sciences Po?

L’histoire est plus romantique encore : « Mon grand-père était orphelin et mon arrière-grand-mère, une femme incroyablement courageuse, s’est battue pour qu’il fasse des études supérieures. Il est entré à Sciences Po comme boursier. En ce temps, il était l’un des seuls à ne pas venir d’un milieu ultra-privilégié, il en parlait en disant qu’il était le seul de la rue Saint-Guillaume à ne pas porter de guêtres… »

A 18 ans, Marie-Laure veut écrire la suite de cette histoire familiale, à travers laquelle la passion pour la chose publique se transmet de génération en génération.

 

Femmes de médias modèles

Les trois années de droit constit’, de finances publiques et de philo po’ avalées, elle songe un temps à passer l’ENA. Mais confesse que « le complexe de l’imposteur » la rattrape. Avec ça, elle a envie de goûter rapidement à la vie active et à l’autonomie financière qui va avec.

Ce qui l’attire, c’est les médias. On est au milieu des années 1980, les figures féminines de la profession sont alors particulièrement inspirantes : « les esprits sont marqués par une Hélène Lazareff, Jacqueline Beytout et Françoise Giroud sont au fait de leur notoriété, Anne Sinclair et Christine Ockrent en pleine ascension, c’est une ère de femmes puissantes, dans la presse et à la télé » se souvient-elle, notant avec regret que « 20 ans plus tard, les femmes ont plutôt perdu du terrain« , et dans les rédactions et dans les directions.

 

Pour comprendre le recul des femmes dans les médias

A ce repli, elle voit deux explications : la crise, immanquablement, « parce que quand ça va mal, on fait appel à des consultants – et pas des consultantes – pour les restructurations » et le « paradoxe des nouvelles technologies«  qui permettent à la fois à chacun-e de s’exprimer plus facilement mais qui passent aussi par la maîtrise technique des outils (or, rappelle Marie-Laure Sauty de Chalon, « seulement 13% des ingénieur-es dans les TIC sont des femmes« ).

Et puis bien sûr, les femmes sont trop rares, de façon générale, à la tête des entreprises et ce n’est, à ce titre, pas pire dans les médias qu’ailleurs : « Nous sommes trois, trois dirigeantes seulement, dans le SBF 120« , s’exclame-t-elle, tout autant scandalisée par cette criante disproportion que légitimement fière d’en être.

 

Sa stratégie anti-plafond de verre : ne pas attendre de s’y cogner ! 

En cause, « tout ce que l’on sait par coeur : les complexes des femmes inscrits dans les cultures stéréotypées, les problèmes d’articulation des temps de vie, le plafond de verre…« .

Ce fameux « plafond« , s’y est-elle personnellement cogné la tête ? « Jamais eu le temps, j’ai toujours bougé avant de me sentir freinée« .

En effet, en 20 ans, elle est passée successivement par Libération, La Tribune, France Télévisions, Carat, La Grande Régie (regroupant la pub du Monde, de Publicat et du Nouvel Observateur), Consodata, Aegis Media et enfin, depuis 2010, Aufeminin.com dont elle est PDG.

 

Le déclic : la place de numéro 1, c’est aussi « pour elle »

Un parcours ascensionnel, à n’en pas douter, même s’il a fallu un déclic à Marie-Laure pour « en finir un jour avec l’idée qu’elle était parfaite en numéro 2, mais que la place du chef n’était pas vraiment faite pour elle« .

Elle raconte : « C’était chez Aegis, on m’a consultée pour déterminer le profil de mon N+1, puis sur mes recommandations, un chasseur de tête a proposé deux candidats qui avaient le même âge que moi et sensiblement la même expérience. Le patron m’a demandé : « Lequel vous voulez? ». Le soir en rentrant, je raconte ça à mon mari qui éclate de rire et me dit « Sinon, c’est quand que tu vas aller leur dire « Pourquoi pas moi?« … », je trouvais ça déshonorant de me mettre en avant – j’en profite pour le dire à toutes les femmes, c’est de l’orgueil mal placé de jouer la fausse modestie quand il est question de carrière -. J’ai dit à ma direction : « Faites ce que vous voulez, je verrai ce que je fais en fonction ». Là, Robert Lerwill a compris « Ok, elle va se barrer, on la nomme pour la garder ». Et c’est comme ça que, pour la première fois en 2004, je suis devenue chef-chef!« .

 

Officiellement engagée pour l’égalité, en tant qu’entrepreneure responsable

C’est aussi à compter de cette période-là qu’elle commence à s’engager officiellement pour l’égalité femmes/hommes, en tant qu’entrepreneure responsable et, à partir de 2010, de membre de l’Observatoire de la Parité.

Résolument investie sur le sujet et n’hésitant pas à se fendre d’une tribune dans les journaux quand l’occasion se présente, elle n’a pas peur de se qualifier de féministe, puisque selon elle, il n’y a pas de détour ni de pincettes à prendre pour « parler de quelque chose qui ne bougera que si on s’engage, que si on milite pour ça« .

Si elle s’étonne donc qu’il faille « toujours se justifier de se battre pour quelque chose de pourtant si juste, alors que tout le monde devrait être féministe, c’est bien normal de l’être« , elle pointe cependant du doigt, avec une Antoinette Fouque qu’elle a récemment rencontrée, un certain malentendu entre les femmes et le féminisme à la française, lequel « de Simone de Beauvoir à Elisabeth Badinter leur dit « faites des livres, pas des enfants. » Mais les femmes ont envie de faire des enfants, ce n’est d’ailleurs pas incompatible avec les livres ou avec une carrière. »

 

Contre tout ce qui ressemble à des injonctions faites aux femmes 

Marie-Laure Sauty s’inscrit de façon générale en faux contre tout ce qui ressemble à des injonctions faites aux femmes, quelles que soient les intentions sous-tendues : « Pour moi, dire aux femmes « reste à la maison » ou bien leur dire « ne sois pas mère poule », c’est toujours de l’impératif, c’est toujours leur faire un peu la morale. C’est aussi toujours leur « demander de choisir : les enfants ou la carrière, la douceur ou le pouvoir, la beauté ou l’intelligence. » Mais « les femmes veulent tout et peuvent tout, parler d’économie tout en se faisant un masque de beauté, pourquoi pas?« .

Rompue à l’exercice de répondre aux accusations lancées contre la presse féminine, elle ne se défile pas sur la question des représentations du féminin dans les médias : « Oui, bien sûr, il y a du stéréotype dans les représentations du féminin que proposent certains de nos articles, mais nous proposons aussi des articles de société, d’économie, sur l’environnement, sur les droits… Je vais vous dire un secret : les femmes sont intelligentes, elles savent faire la part des choses, elles savent faire la différence entre la portée d’un conseil de coiffure et celle d’une tribune politique. »

 

Les rencontres aufeminin.com, pour « braquer les projecteurs » sur toutes les formidables femmes d’initiative

Contestant « la notion peut-être un peu trop caricaturale de servitude volontaire« , la voilà donc qui veut sortir la problématique femmes/hommes des carcans d’une pensée par trop abstraite pour la faire entrer de plain-pied dans la réalité concrète des « femmes d’initiatives » qui agissent et donnent aux autres l’envie d’en faire autant.

C’est sous cet angle qu’elle a abordé son cycle de « rencontres aufeminin.com« , qui de Paris à Lyon en passant par Toulouse, ont déjà rassemblé des centaines de femmes autour de « personnalités modèles«  telles que la très dynamique entrepreneure genY Emmanuelle Duez, l’ex-footballeuse Nicole Abar, l’illustratrice qui n’a pas son crayon dans sa poche Pénélope Bagieu, la chanteuse Ayo, la brillante neurobiologiste Catherine Vidal, la championne de ski Karine Dubouchet-Revol, l’écrivaine et éditrice engagée contre l’excision et pour le droit à l’érotisme féminin Axelle Jah Njiké…

 

Partager la lumière

« Etre féministe, c’est ça, aussi, ça surtout, être une femme qui donne la parole aux autres femmes, sans vouloir garder toute la lumière pour soi, et sans rivalité... » conclut Marie-Laure Sauty de Chalon, en saluant l’esprit d’EVE au passage : « Ce programme interentreprises qui fait se croiser les femmes et les hommes, les différentes cultures d’entreprises, les inspirations de toutes sortes, c’est vraiment une idée géniale« .

Sans verser dans la flatterie, mais seulement pour « partager la lumière » comme elle y invite, nous lui retournons donc bien volontiers le compliment pour les « rencontres auféminin.com« .

 

http://youtu.be/ubnCa7DHlg0

Marie Donzel, pour le blog EVE