Le Programme Octave salué par Le Monde

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« Biberonnés au numérique et bébés du boom : même combat! »

 

Article d’Annie Kahn, paru dans le quotidien Le Monde le 22 avril 2014.
Reproduit avec l’aimable autorisation du journal.

 

 

Jamais dans le monde du travail, la paix entre les anciens – entendez les baby-boomers – et les modernes – les digital natives, les biberonnés au numérique – n’a été aussi souhaitable. Non seulement parce que tout conflit est toujours regrettable, mais aussi parce que leur complémentarité est évidente, et que le bain culturel dont sont imprégnés les premiers pourrait éviter aux seconds les dangers qui les guettent.

 

Et pourtant, les relations entre les uns et les autres s’avèrent souvent inexistantes, quand elles ne sont pas hostiles. Pousse-toi de là que je m’y mette, peuvent effectivement penser, voire dire à leurs aînés, les natifs des années 1980, confrontés au manque de postes disponibles.

La supposée incapacité des plus de 50 ans à comprendre ce nouveau monde du numérique, ses modes de communication et de travail, attise cette hostilité. Œil pour œil, dent pour dent ! comprend-on. L’information a longtemps été un instrument de pouvoir ? Très bien. Vous, les vieux, en avez usé et abusé, mais désormais, l’information est disponible partout et par tous !

 

Les outils, en facilitant la création et la propagation, sont la nouvelle arme des jeunes générations, pas toujours aussi partageuses que ne pourrait le laisser croire l’économie du même nom, que certains d’entre eux ont créée et dont ils tirent les fruits. Leur savoir-faire panique, ce qui décuple leur force, comme l’analyse très finement Divina Frau-Meigs, professeure de sciences de l’information et de la communication à la Sorbonne-Nouvelle (Paris-III) dans son article paru le 10 avril sur le site de The Conversation.

Ces natifs du numérique sont tellement fascinés par les réussites d’entrepreneurs médiatiques – et les quelques gadgets posés sur le devant de la scène (ping-pong, salle de sport, café et sandwichs gratuits) – qu’ils ne voient pas à quel point le management des jeunes pousses est parfois archaïque.

Dans un article assez effrayant paru le 9 avril dans le New York Times, Dan Lyons raconte l’endoctrinement des jeunes recrues de l’entreprise de logiciel HubSpot. Le même genre de mésaventure est également classique en France, comme le raconte Martin Rouche sur le site d’information Vice. « Le recours à des indépendants payés à la pièce nous ramène cent quarante ans en arrière », alerte Jeffrey Pfeffer, célèbre professeur en management des organisations de l’université Stanford (Etats-Unis), dans la revue américaine Fortune du 12 avril.

 

Ces quelques signaux d’alarme ne suffisent pas à étouffer le chant des sirènes. Ce qui inquiète les grands groupes traditionnels, tourmentés à l’idée de ne pouvoir attirer ou retenir les jeunes esprits brillants. Leur défi : montrer que les anciens peuvent unir le meilleur des deux mondes.

A savoir, le potentiel d’un grand groupe, la diversité des fonctions, des générations et des cultures qui s’y côtoient, d’une part. Et l’agilité, la liberté, la créativité des plus jeunes organisations, d’autre part.

 

Danone, en partenariat avec la Société générale, Bristol-Myers Squibb, Orange, L’Oréal, Airbus Group et Engie, s’en faisait l’écho, du 12 au 14 avril, à Evian, lors du cinquième séminaire Octave. Près de 250 salariés de grandes entreprises, en provenance de vingt pays, se sont ainsi frotté aux meilleurs experts en management, sociologie, comportement des organisations, mais aussi yoga, chant, théâtre et pleine conscience. Ils ont côtoyé des dirigeants d’entreprise et de jeunes pousses, des étudiants très prometteurs, des sportifs de haut niveau.

Durant trois jours, il ne fut question que de décision partagée, d’entreprise libérée, de la nécessité de bien se connaître, et donc de prendre soin de soi, pour changer le monde… en commençant par son comportement individuel, et, par capillarité, celui de son employeur.

 

« Quel que soit votre âge, votre expérience ou vos aspirations, je vous souhaite de ressentir combien votre note est essentielle à la musique de votre entreprise« , exhortait Anne Thevenet-Abitbol, directrice éditoriale et artistique du Programme Octave. Le ton général est bienveillant et constructif. « La concurrence permanente est un danger réel pour tous« , affirme Claude Onesta, sélectionneur et entraîneur de l’équipe de France de handball. L’écoute est primordiale, pour se faire entendre et favoriser des relations vraies et pacifiées.

Cette hybridation des cultures générationnelles est la condition de survie à la destruction créatrice théorisée par Joseph Schumpeter, qui veut que les anciennes entreprises meurent à l’arrivée des nouveaux entrants. Pour conjurer le sort, les vieilles se doivent non seulement de recruter les meilleurs collaborateurs, mais aussi d’en développer tout le potentiel, avec humanité. Puissent-elles convaincre, ajuster leurs actes à leur discours. Pour de vrai.