« S’expatrier, c’est sortir de sa zone de confort, c’est oser, c’est aller vers le dépassement de soi »

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« Les expatrié-es de Schneider » – 1 : Emmanuelle Jacquemot

Le blog EVE donne la parole aux témoins des entreprises partenaires et sponsors sur toutes les expériences de leadership qu’elles mènent. Schneider Electric nous a proposé une série de rencontres avec des expatrié-es, de différents âges et de différents horizons. Premier volet de ce feuilleton, une interview exclusive avec Emmanuelle Jacquemot, tout juste nommée à Hong Kong.

Emmanuelle Jacquemot

Au blog EVE, nous connaissons bien Emmanuelle. Elle fait partie de notre comité de rédaction en tant que correspondante pour Schneider. Hélas pour nous, mais tant mieux pour elle, nous la verrons moins souvent dans les mois à venir : elle vient de prendre un poste à Hong Kong. Il y a quelques années, elle s’était déjà expatriée, à Dubaï. Nous l’avons interrogée sur son parcours, ses envies, ses ambitions et sur l’expérience de travailler et de vivre à l’étranger. Rencontre avec une femme à très haut potentiel qui conjugue avec dextérité l’intelligence, l’humour et la compétence.

Programme EVE : Bonjour Emmanuelle, pouvons-nous commencer par retracer ensemble les grandes étapes de votre parcours ?

Emmanuelle Jacquemot : J’ai une formation littéraire. Après une hypokhâgne, j’ai intégré Sciences Po où je me suis orientée vers les RH. J’ai un père dans le métier, c’est de famille! (rire). En 2007-2008, j’ai suivi le cours de Dominique Laurent, un des DRH de Schneider et intervenant à Sciences Po. Il m’a proposé de soumettre ma candidature pour une alternance et j’ai saisi l’occasion.

J’avais très envie d’entrer dans le vif du sujet, d’appliquer mes connaissances. Je suis entrée comme junior recruiter où je me suis justement investie dans des recrutements de Juniors en France et plusieurs recrutements internationaux comme des VIEs et aussi pour le programme Marco Polo, qui permet à des juniors de partir deux ans à l’étranger avant de revenir dans leur pays d’origine.


Programme EVE : Et ça vous a tenté pour vous-même?

Emmanuelle Jacquemot : En fait, j’ai ça dans la peau depuis longtemps. Mes souvenirs d’enfance les plus forts renvoient aux échanges scolaires : j’étais éblouie à chaque fois que nous recevions nos  correspondants  allemands ou anglais, au collège. C’était une vraie fête de les accueillir. J’adorais ces rencontres avec des enfants venus d’ailleurs avec qui il fallait faire l’effort de parler une autre langue et qui avait une autre expérience de l’école, de la vie, de la société que moi…

Pendant mes études, j’ai aussi passé une année à l’étranger, a l’université de Constance, en Allemagne. J’en suis revenue en me disant « Je repartirai ». En rentrant et recherchant une entreprise pour mon alternance de Master2, j’ai reçu deux propositions : une d’Orangina-Schweppes et une de Schneider Electric, c’est la dimension internationale de Schneider qui a vraiment déterminé mon choix.


 

L’expatriation, ça ne se passe pas qu’au bureau… Rencontre avec un beau chameau dubaïote

Programme EVE : Vous avez donc suivi le programme Marco Polo?

Emmanuelle Jacquemot : Oui, avant même d’avoir été embauchée, j’ai fait savoir que je souhaitais partir à l’étranger. Je n’avais pas de pays pré-requis. On m’a proposé un poste de recruitement and staffing Specialist à Dubaï.

C’était une opportunité d’autant plus intéressante que Schneider Electric à Dubaï, ce n’est pas que Dubaï, c’est 6 pays dont les Emirats Arabes Unis, l’Oman, le Qatar, Bahreïn, le Pakistan et le Koweït.


Programme EVE : Je ne veux pas verser dans le préjugé, mais j’imagine que vos parents ont du s’inquiéter un peu de voir leur fille, jeune et célibataire, s’envoler pour un pays qui n’a pas la réputation d’être très favorable aux droits des femmes…

Emmanuelle Jacquemot : Mon père a eu effectivement une première réaction d’inquiétude « Ouh la la la, Dubai, tu es sûre, ma fille? » Mais ma mère m’a dit « Vas-y fonce! » En fait, Dubaï est un endroit très protégé au sein du monde arabe, on y vit comme en Occident, c’est une ville internationale pour le business, même si c’est en plein désert avec tout autour des pays en guerre… C’est une oasis au milieu de l’enfer, c’est vrai. Mais une oasis, quand même.


Programme EVE : Donc, vous faites vos valises et vous vous envolez pour Dubaï?

Emmanuelle Jacquemot : Oui et j’arrive à la fin du ramadan. Rien n’est ouvert, il n’y a personne, c’est les vacances et il fait 40° degrés à l’ombre. Mon premier choc culturel est lié au climat et a l’architecture de la ville : à Dubaï, on ne marche pas car de toute façon il n’y a pas de trottoirs, on prend des taxis ou sa voiture et on vit à l’intérieur, où c’est climatisé. Pour une parisienne, c’est surprenant de ne plus passer son temps à cavaler dans les rues!


Programme EVE : Comment se passe votre installation?

Emmanuelle Jacquemot : C’est sportif! Il n’y avait pas vraiment de support local à Dubaï. Il fallait que je trouve moi-même un appart, une voiture (moi qui ai eu le permis en France dans une pochette surprise, j’allais devoir prendre le volant dans un pays où on roule à 150 km/h en ville!!). Mais j’étais heureuse d’être là, j’étais pleine d’enthousiasme, l’aventure m’excitait terriblement.

Sauf que la crise a frappé Dubaï en novembre 2008 et qu’une grande partie de l’activité s’est subitement arrêtée : j’ai vu les tours en construction cesser de monter, les chantiers de travaux s’interrompre, la ville changer de visage. J’étais venue pour faire du recrutement et j’étais a priori là pour deux ans en contrat local. Je me suis dit « Bon, je vais devoir trouver autre chose à faire… »


 

Emmanuelle Jacquemot entourée des responsables de l’institut de formation du Bahreïn qu’elle a accompagné dans le renouvellement de ses installations pédagogiques

Programme EVE : Vous avez du « ré-inventer » votre mission à Dubai?

Emmanuelle Jacquemot : En fait, on m’a réorientée sur la « marque employeur » et je me suis occupée des relations avec les universités. Mais je me suis investie dans de nombreuses autres missions RH et j’ai conduit des projets passionnants sur place, dont un qui me tient particulièrement à cœur : une opérationde formation sur l’accès à l’énergie au Bahreïn, en partenariat avec un institut d’enseignement public spécialisé dans les métiers de l’électricité.

Cette école avait des potentiels parmi ses étudiants, mais ils travaillaient avec du matériel ancien et dans un état épouvantable. J’ai cherché des solutions pour les aider à renouveler leur installation. J’ai dégoté un modèle d’exposition de matériel éducatif et j’ai convaincu le service marketing de me le donner (c’est quand même une machine à 40 000 $!). On m’a livré une machine énorme avec un manuel de 500 pages. Je me suis retrouvée à sticker à la main les instructions en anglais au-dessus de chaque bouton libellé originellement en français. Là, j’ai compris ce que ça signifie quand on dit « RH, c’est un métier polyvalent! » (rire). J’ai pris ensuite contact avec la Responsable des ventes Schneider Electric du Bahreïn pour valoriser l’expérience et nous avons pu faire une inauguration officielle avec les représentants locaux de l’institut, qui reste un souvenir très festif et très heureux pour moi.


 

Noël en chemisette au bureau de Schneider à Dubaï

Programme EVE : A quel moment décidez-vous de rentrer en France?

Emmanuelle Jacquemot : On me rappelle à Paris au bout de 15 mois. Je laisse à Dubaï ma meilleure amie, qui est indienne et je perds 30°C en un week-end. Un peu dur, sur le coup.

Mais on me propose de travailler sur l’enquête de satisfaction salarié-es et le sujet m’intéresse. Au bout de 6 mois, le poste de responsable RH finances globales se libère et je saute sur l’occasion de prendre un rôle de RH opérationnel, international, avec une population de plus de 1000 collaborateurs et collaboratrices dans le monde entier, dont une majorité de nouveaux métiers. Je vais avoir beaucoup de mobilité internationale à gérer, ça me plait.


Programme EVE : C’est aussi à ce moment que vous devenez coordinatrice du blog EVE pour Schneider?

Emmanuelle Jacquemot : Oui, Isabelle Michel-Magyar, qui était au Comité des Sages, du Programme EVE cherchait quelqu’un pour l’accompagner dans le suivi de ce Programme de leadership au féminin qui est très important pour Schneider. Elle m’a demandé si ça m’intéresserait : en effet, ça m’intéressait, d’abord parce que le sujet est pertinent dans mon activité de RH, j’ai une population à 60% féminine et le développement de carrière de ces collaboratrices est un véritable enjeu pour moi, et ça m’intéressait, en tant qu’Emmanuelle, plus personnellement, parce que je suis sensible à ces questions.


Programme EVE : Finalement, cette année, vous avez décidé de repartir…

Emmanuelle Jacquemot : Oui, quand je suis rentrée de Dubaï, j’ai tout de suite dit « dans 3 ans, je repars ». J’ai passé des entretiens l’été dernier et j’ai signé en décembre pour un poste de gestion du changement dans le cadre du déploiement du nouvel outil informatique RH mondial à Hong Kong.

Je suis célibataire, je n’ai pas d’enfant, mon appartement à Paris, c’est un meublé, je veux profiter de cette liberté pour vivre pleinement maintenant ces expériences-là, tant que j’en ai l’entière disponibilité. Il est vrai aussi que l’expatriation fait progresser une carrière plus vite, permet d’accéder à des opportunités différentes, de faire valoir des compétences et des qualités, comme l’adaptabilité par exemple et la capacité à traiter avec des personnes de différentes cultures, dans des modes de pensée divers… C’est aussi le signe qu’on a envie de repousser ses limites, qu’on est prêt-e à aller dans sa zone d’inconfort, pour se dépasser et pour oser. C’est avant tout parce que j’en ai le goût que je m’expatrie mais je sais aussi que ça comptera dans mon parcours.


Propos recueillis par Marie Donzel

Pour aller plus loin :
– Notre interview de David Payet, directeur de la mobilité international chez L’oréal, qui met notamment en place des dispositifs favorisant les doubles carrières à l’expatriation.
– Le témoignage de Virginie Masurel, senior manager chez KPMG, qui s’est expatriée pendant deux ans à New York.
– Notre lecture de l’enquête du Ministère des Affaires étrangères sur l’expatriation au féminin.