« La diversité n’est pas un sujet d’image, c’est une question stratégique »

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Rencontre avec Laurent Geoffroy, Directeur des Ressources Humaines Groupe de KPMG France

 

Laurent Geoffroy a été nommé Directeur des Ressources Humaines Groupe de KPMG France en mars 2019. Il témoigne d’un riche parcours dans les RH, qui l’a mené de l’industrie de la chimie à celle du packaging en passant par le secteur de l’agro-alimentaire. En exclusivité pour le webmagazine EVE, il livre sa vision de la fonction RH, de la diversité, de la mixité et de l’inclusion et présente les grands axes de sa feuille de route au poste de DRH Groupe de KPMG.

 

Bonjour Laurent. Qu’est-ce qui vous a motivé pour faire carrière dans les ressources humaines ?

Laurent Geoffroy : L’humain, bien sûr, est le fil rouge de mon parcours. J’ai commencé à la fin des années 1980, dans le cadre de mes études en sociologie des organisations, par un stage d’observation. J’étudiais la population des contremaîtres dans plusieurs usines de chimie, y compris la nuit. Il s’agissait de traduire leur perception voire émotions quant à ce changement pour eux en tant qu’individus vis à vis de leur représentation du métier de manager. A l’issue de cette expérience, on m’a proposé d’intégrer la société et on m’a proposé un poste d’adjoint du DRH d’une usine en Picardie. C’est là, dans un univers très industriel, très syndiqué, au cœur d’une usine où le RH est sur le terrain, au contact direct des gens, que j’ai appris mon métier. Ensuite, j’ai pris différents postes en ressources humaines dans des usines de différentes régions. Au cours de cette période, je me suis approprié une autre dimension de la fonction RH : la culture. Dans une même entreprise, un même corps de métier, la culture change d’un territoire à l’autre, et cela joue énormément sur les dynamiques de groupe, la perception qu’ont d’eux-mêmes les individus dans l’environnement social, la relation au chef… A l’issue de cette phase de mon parcours que je qualifierais d’initiatique, j’avais forgé trois valeurs essentielles de la fonction RH : être à l’écoute, laisser tomber ses certitudes et avoir le sens du terrain.

 

La suite de votre parcours, c’est 17 ans chez Coca-Cola Entreprise, une entreprise pionnière sur les questions de diversité. Quelle vision de cette thématique y avez-vous développée ?

Laurent Geoffroy : En effet, Coca-Cola Entreprise fût la toute première entreprise française de l’agroalimentaire à obtenir le label diversité. Beaucoup d’initiatives étaient déjà en place quand je suis arrivé et j’ai pu contribuer à renforcer les dispositifs en faveur de la mixité (de genre, mais aussi sociale, intergénérationnel etc.) d’années en années. Ce qui m’a marqué d’emblée, et ce qui m’a plu, c’est la sincérité et le pragmatisme avec lesquels l’entreprise traitait de la diversité : d’abord, on agit, ensuite on mesure, et enfin on communique.

La diversité n’est pas un sujet d’image, c’est une question stratégique, que l’on doit placer très haut dans l’agenda des dirigeant·e·s, du business. C’est à cette première condition qu’elle produit des effets sur la performance. Comment ? En changeant la couleur des discussions. C’est flagrant avec la mixité femmes/hommes : les ambiances de travail mixtes sont plus saines, de nouvelles questions sont posées, des façons différentes d’y répondre sont proposées. La confrontation des différents points de vue est vitale pour une entreprise. Mais elle n’est possible que si chacun·e peut effectivement faire valoir son authenticité. Il ne faut pas avoir peur d’être différent·e : quand on dit que la différence est une richesse, c’est parce que nous sommes tou·te·s différent·e·s. Le conformisme fait écran à ces différences. Quand la diversité s’exprime, le conformisme recule et tout le monde peut mieux faire valoir sa singularité.

 

Après l’expérience agroalimentaire chez Coca-Cola et un passage par Findus,  vous voilà chez KPMG, un environnement très différent de ceux que vous avez connus. Qu’est-ce qui vous a convaincu de rejoindre cette entreprise ?

Laurent Geoffroy : Ma première réaction quand on m’a appelé pour le poste : « ce n’est pas pour moi ». Et aussitôt après, le réflexe de me méfier de mes propres certitudes. Quand vous avez une réaction très immédiate qui vous fait dire « oui » ou « non », de façon binaire, sans prendre le temps d’y réfléchir, c’est qu’il y a des stéréotypes qui ont pris la parole avant vous ! Alors, il faut aller y voir de plus près, s’informer, recueillir des avis… Ce que j’ai fait : on m’a dit « c’est une boîte différente », « ce n’est pas un big 4 comme les autres », « c’est un réseau de terrain, en régions », « il y a de grands enjeux de transformation »…

J’ai retrouvé là certes certains de mes repères… Mais pour mieux pouvoir faire le choix de l’inconfort ! J’ai une grande courbe d’apprentissage devant moi et je le vois comme une immense chance. J’apprends de nouvelles choses tous les jours. Plus je suis dans cette entreprise, plus je suis heureux de mon choix.

 

Quels sont les grands axes de votre feuille de route en tant que DRH de KPMG ?

Laurent Geoffroy : Ma première volonté est d’inscrire la fonction RH au cœur des métiers. Je viens de secteurs où l’investissement, c’est de l’équipement ; chez KPMG, l’investissement, c’est les humain·e·s. La fonction RH a une grande carte à jouer aux côtés des associé·e·s du cabinet pour faire croître ce capital humain.

Mon deuxième axe, c’est l’enjeu d’attractivité et de rétention. Notamment des femmes. On recrute à parité mais nous n’avons que 25,2 % de femmes parmi les associé·e·s et signataires. Je veux que les femmes restent et progressent dans cette entreprise. Nous avons une différence culturelle, chez KPMG, c’est vrai, nous ne sommes pas comme les autres Big 4. Eh bien, cultivons notre différence pour qu’elle soit à la fois un motif de fidélité de nos collaborateurs/collaboratrices et le moteur de notre transformation.

Mon troisième axe, c’est justement la transformation de nos métiers. KPMG a énormément d’atouts pour accompagner sur une large palette d’expertise les entreprises de tous secteurs et toutes dimensions sur l’ensemble des territoires. Nous pouvons être en avance de phase sur le renouvellement des métiers de l’expertise-comptable, de l’audit et du conseil en capitalisant sur ces atouts et en cultivant notre différence. Il y a dans la culture KPMG et dans les gens qui font KPMG un énorme potentiel d’innovation.

Propos recueillis par Marie Donzel & Marine Beucher, pour le webmagazine EVE.