La place des femmes dans le bénévolat

Eve, Le Blog Actualité, Dernières contributions, Responsabilité Sociale

Un·e Français·e sur trois a des activités de bénévolat : nous sommes en effet 20 millions à donner du temps gratuitement pour les autres ou pour une cause ! Le travail bénévole correspond ainsi à 580 000 « équivalents temps plein ». Mais quelle est la place des femmes dans le bénévolat ?

Parité parmi les bénévoles, mais…

La population de bénévoles est composée à parité de 49% de femmes et de 51% d’hommes.

La sociologie du bénévolat nous informe que les facteurs primaires de l’engagement se trouvent ailleurs que dans le genre. Selon une récente étude de l’AVISE, c’est d’abord le fait d’avoir eu des parents eux-mêmes engagés qui favorise le fait de donner du temps aux autres ou à une cause. Ce facteur est renforcé si l’on a reçu une éducation religieuse et/ou été sensibilisé·e aux enjeux politiques. Le niveau de diplômes joue aussi : 53% des femmes et 58% des hommes diplomé·e·s du supérieur ont des activités de bénévolat, contre 38% chez les personnes non-diplômées.

Le genre intervient au niveau de la répartition dans les secteurs d’investissement et les activités pratiquées au sein des associations et mouvements citoyens. Ainsi les femmes sont sur-représentées dans les structures culturelles (55%), humanitaires (59%) et éducatives (68%) et ce sont les hommes qui sont en majorité investis dans les activités en lien avec le sport (68%) et les loisirs (54%).

Le plafond de verre, dans le bénévolat aussi

Quel que soit le champ d’activité bénévole, la part des femmes se restreint à mesure qu’augmente le niveau de responsabilités dans la structure : ainsi, comptant pour 49% des membres d’associations, les femmes ne se trouvent que 39% parmi les président·e·s. Les hommes, membres d’assos à 51%, forment 61% du contingent des président·e·s.

Pour expliquer cet effet plafond de verre, on invoque d’abord la parentalité qui, fait chuter et l’implication et la prise de responsabilité dans le monde associatif davantage chez les femmes que chez les hommes. L’AVISE évoque une « concurrence du samedi » : journée privilégiée pour les activités bénévoles, c’est aussi la journée des travaux ménagers dans les familles. Les unes galèrent à concilier (un peu comme avec le boulot le reste de la semaine), les autres parviennent mieux à sanctuariser des temps pour chaque temps de l’existence.

L’accès des femmes et des hommes aux responsabilités dans le monde des activités bénévoles est par ailleurs différencié par le rapport genré au réseautage : les hommes investiraient davantage le bénévolat comme un cercle de sociabilité et les femmes comme un espace de réponse à des besoins sociaux non satisfaits. Cette différence d’approche vient à la fois renforcer la répartition genrée des champs d’activité (les femmes plus volontiers investies dans le soutien scolaire, l’aide aux plus vulnérables…et les hommes dans les activités à forte dimension de convivialité) et la moindre tendance des femmes à prendre des responsabilités dans les associations : elles auraient plus la volonté, en tant que bénévoles, d’agir de façon pragmatique sur le terrain ; quand les hommes saisiraient mieux les opportunités de valorisation sociale offertes par le bénévolat.

Un « travail gratuit » déguisé ?

Le bénévolat intéresse de longue date les économistes et les sociologues du genre. Dans les années 1970, est forgée la notion de « division sexuelle du travail militant » pour cerner les écarts de transférabilité en valeur socio-économique de l’engagement désintéressé. On met alors en évidence que les hommes tirent mieux profit de leurs activités bénévoles que les femmes quand il s’agit par exemple d’être identifié pour figurer sur une liste électorale, de faire valoir sur son CV des projets associatifs, voire de transformer un projet « non profit » en structure de l’entrepreneuriat social créatrice d’emploi. Cette grille d’analyse est aujourd’hui un peu dépassée du fait des lois sur la parité en politique (qui limitent de fait la prime au leader associatif dans le processus d’identification des candidat·e·s aux élections), de la diversification des formes statutaires de l’ESS et d’une meilleure prise en compte par les employeurs des activités extraprofessionnelles

Néanmoins, une question reste soulevée : celle de la vaste délégation à la bonne volonté et au travail bénévole de certaines activités essentielles. De l’aide aux plus démuni·e·s au soutien scolaire en passant par la défense des droits et la promotion des activités artistiques et culturelles, espaces de bénévolat féminin s’il en est, peut-on pleinement se satisfaire du fait que la réponse à ces besoins soit largement assurée par du travail non rémunéré ? Sans compromettre la nécessaire circulation des générosités dans une société, fondamentale pour le lien social et la culture de la solidarité, les économistes du bien commun alertent sur la vulnérabilité d’un modèle de création de valeur décontractualisé pour ne pas dire informel. Du côté des expert·e·s des questions de genre, on reste toujours très vigilant·e sur la propension que les femmes auraient à effectuer du travail gratuit, dans l’espace domestique comme dans la vie associative et même dans le cadre du boulot, alors que ce travail apporte de la valeur à l’économie et à la société (le rapport Stiglitz en évalue même la part entre 17% et 33% du PIB).

 

Marie Donzel, pour le webmagazine EVE