Un concept à la loupe : la méthode Ho’Oponopono

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Si vous êtes adepte du développement personnel, vous avez certainement déjà entendu parler de l’Ho’Oponopono… Si vous ne connaissez pas, on est justement là pour vous tout vous dire sur cette philosophie hawaïenne qui promet de nous faire gagner en agilité cognitive, en empathie et en optimisme.

Une coutume traditionnelle théorisée par une passeuse culturelle

Les premiers écrits sur l’Ho’Oponopono remonte à l’ouvrage de Mary Kawena Pukui paru en 1957 : The polynesian family system in Ka’U. Cette monographie de 250 pages va révéler aux États-Unis en passe de faire d’Hawaï le 50è état de la confédération, les grands aspects de la culture d’un peuple venu de Polynésie au tout début de notre ère. Tout est détaillé : les structures de l’habitat, le rapport à la nature, les relations entre les communautés et les individus, les systèmes d’union et les organisations familiales, les principes de régulation sociale et de justice, la musique et les danses, la spiritualité et les coutumes… Parmi ces dernières, l’Ho’Oponopono. Une tradition ancestrale dont l’autrice, qui consacre son existence à la valorisation de la culture hawaïenne, entend se faire la passeuse.

Avant d’occuper un plein chapitre, le terme Ho’Oponopono apparait dans la section de l’ouvrage consacrée aux relations spirituelles avec les ancêtres, les morts et le divin ; dans celle qui parle de guérison des maladies et dans celle où l’on évoque la régulation des conflits. Ainsi, on peut dire que l’Ho’Oponopono est à la fois un acte d’intercession spirituelle, une médecine du corps et de l’âme et une forme de thérapie collective.

Un mantra pour « rétablir l’équilibre »

Traduire le terme Ho’Oponopono n’est pas une mince affaire. Au plus près du littéral, d’aucun·e·s disent « commencer à agir » (Ho’o) « pour faire juste » (ponopono). Ce « faire juste » comprend divers sens : « harmoniser », « mettre de l’ordre », « réarranger », « rendre la justice », « être honnête », « purifier », « agir de façon correcte », « redresser »… La synthèse contemporaine de tant de connotations s’accorde sur l’idée de « rétablir l’équilibre ».

On fait effectivement appel à l’Ho’Oponopono quand la douleur, la mésentente, l’aléa, la dégradation, les bouleversements déstabilisent l’individu et le collectif. Alors, il faut investir le mantra « Je suis désolé·e. Pardon. Merci. Je t’aime ». Autrement dit, reconnaître ses erreurs, demander l’absolution, exprimer sa gratitude, manifester son attachement.

Voilà qui n’est pas sans rappeler la « mécanique du don » théorisée par l’anthropologue Marcel Mauss pour qui le lien social repose sur la capacité à demander-donner-recevoir-rendre.

Une médecine alternative ?

Des bienfaits en cascade

De nombreuses études ont mis en évidence les bénéfices pour la santé physique et psychique des composantes du mantra de l’Ho’Oponopono : reconnaître ses erreurs favorise la production de sérotonine (neurotransmetteur antidépresseur) et joue positivement sur les capacités cognitives en œuvre dans la prise de décision, le pardon que l’on donne comme celui que l’on reçoit font baisser la tension artérielle et ralentir le rythme cardiaque ; la gratitude a des effets sur la réduction du stress et l’augmentation de la qualité du sommeil… Quant à l’amour, c’est le combo : il intervient dans la prévention des maladies cardiaques, contribue à préserver les poumons, régule l’anxiété, agit contre la douleur, accélère la cicatrisation, stimule les zones du cerveau impliquées dans la créativité, et on en passe…

Une infusion d’Ho’Oponopono aromatisée aux médecines alternatives

Autant de bienfaits annoncés, ça ne laisse pas indifférents celles et ceux qui s’intéressent aux médecines alternatives à l’allopathie occidentale. La chamane Morrnah Simeona s’attache dans les années 1970 à transformer la coutume traditionnelle en thérapie. Pour cela, elle infuse l’Ho’Oponopono d’apports venus des techniques de guérison indiennes et chinoises, avec une touche de mysticisme calviniste et un zeste de psychologie européenne.

Un psychologue clinicien originaire d’Hawaï, le Dr Ihaleakala Hew Len adopte l’approche de Simeona. Missionné dans un péniticier, il décide de ne pas faire de consultation avec les prisonniers. A la place, il potasse leurs dossiers, déambule un peu dans les couloirs et s’adonne à des sortes de prière. Quelques semaines plus tard, tout le monde va mieux dans la prison. Mais qu’a-t-il donc fait pour cela ? Selon ses dires, il a « nettoyé et remis en ordre les mémoires » des détenus en récitant le mantra de l’Ho’Oponopono pour chacun d’eux : « Désolé, Pardon, Merci, Je t’aime ».

Pouvoir agir sur le monde…

Le psy Len affirme que notre mental est un bien divin et un bien commun. Cela signifie que nous n’en sommes pas propriétaires mais que nous en sommes responsables. Autrement dit, quand quelqu’un·e va mal, c’est l’affaire de tou·te·s et de chacun·e : parce que les peines et les pulsions négatives qui envahissent les mémoires sont collectives, nous sommes tou·te·s investi·e·s du devoir de les soulager et nous avons pour cela le pouvoir de réparer les blessures enfouies.

Ce pouvoir d’agir s’étend jusqu’aux choses que nous n’avons pas nous-mêmes abimées, celles qui sont éloignées de nous, celles qui ne nous concernent pas directement. Selon Joe Vitale, co-auteur avec le Dr Len de plusieurs ouvrages consacrés à l’Ho’oponopono, « les activités terroristes, le président, l’économie — quoi que ce soit que vous expérimentez et que vous n’aimez pas —, c’est à vous qu’il revient de les guérir. Ils n’existent, pour ainsi dire, que comme des projections venant de l’intérieur de vous. Le problème n’est pas leur, il est vôtre et pour les changer, vous avez à vous changer. Si vous voulez améliorer votre vie, vous devez guérir votre vie. Si vous voulez guérir quelqu’un — même un criminel malade mental — vous le ferez en vous guérissant. »

Critiques de l’Ho’Oponopono

Vigilance face aux croyances paramédicales

Comme tout processus d’autoguérison à forte connotation spirituelle, l’Ho’Oponopono attire l’attention des instances de surveillance des dérives sectaires. Mais rien de dramatique à signaler de ce côté à l’heure actuelle : ni gourou mégalo-autoritaire rassemblant une communauté d’adeptes, ni captation financière orchestrée en toute illégalité. En revanche, la méthode est mise en cause pour l’éloignement entre sa promesse d’aider à changer le monde et ses effets réels observés. Susceptible d’entretenir les pensées magiques, elle pourrait contribuer à un affaissement de l’esprit critique, voire une forme de passivité face aux risques et aux agressions.

Un Ho’Oponopono à l’occidental est-il possible ?

La critique porte également sur l’usage d’une tradition intégrée dans tout un système de spiritualité quand elle est appliquée en contexte foncièrement différent. Autrement dit, l’Ho’Oponopono prend toute sa dimension dans la culture polynésienne et hawaïenne, mais sa synthèse appliquée au mode de vie occidentale serait réductrice, au risque de verser dans l’appropriation culturelle.

Quant au rapprochement que d’aucun·e·s font entre Ho’Oponopono et physique quantique pour tenter de rationaliser des phénomènes de transmissions énergétiques à l’œuvre dans les actions positives, la prudence reste de mise.

De l’Ho’Oponopono comme méthode consciente d’écologie relationnelle

Si le transfert de la méthode Ho’Oponopono en développement personnel ne saurait rendre pleinement compte de sa portée, les apports de cette tradition montrent des vertus dans le champ de l’éducation, du soin aux troubles psychiques et aux souffrances relationnelles, du développement des soft-skills, du travail sur soi en vue de gagner en sérénité et pour retrouver le sens et plus globalement, dans le renforcement de l’écologie relationnelle.

Le collectif de soignant·e·s prolongeant l’œuvre de la pédagogue Laurence Pernoud recommande ainsi la méthode hawaïenne pour enseigner le pardon aux enfants. En tant que démarche profondément intérieure, le pardon que l’on demande comme le pardon que l’on accorde n’est pas forcément chose aisée pour les plus petits à qui cela demande de renoncer à la toute-puissance pour entrer dans l’acceptation que les choses sont ce qu’elles sont.

Dans l’accompagnement des personnes souffrant de troubles psychiques, on peut faire appel aux apports de l’Ho’Oponopono pour réduire les sentiments de frustration. En créant une sorte de bulle de sécurité affective, le mantra aiderait l’individu à se recentrer sur ses ressentis et à reprendre possession de ses capacités à gérer ses émotions.

Et pour nous tou·te·s, l’Ho’Oponopono est une voie d’accès parmi d’autres à autant de compétences douces que l’empathie, l’intelligence émotionnelle, l’humilité, la flexibilité, la bienveillance, la résilience, l’optimisme

 

 

Marie Donzel, pour le webmagazine EVE

 

 

 

Pour aller plus loin :

Lire

Maria-Elisa et Jean Graciet, Trouvez la paix intérieure avec Ho’Oponopono, Pour les nuls, 2014

Luc Bodin, Le grand livre d’Ho’Oponopono, Ed. Jouvence, 2017

Aurore Aimelet, Le Ho’Oponopono en famille, Hatier, 2019

Flore Cuny, Libération énergétique avec Ho’Oponopono, 2020

 

Voir

Une introduction à l’Ho’Oponopono

Une séance de méditation Ho’Oponopono

La pratique en 7 principes et 5 clés

 

Écouter

L’émission du podcast de Chloé Bloom consacré à l’Ho’Oponopono

L’épisode du podcast Dépasse-toi

L’épisode du podcast Santé équilibre