Egalité, mixité, leadership équilibré : retour sur les faits marquants de 2017

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Toute l’équipe du webmagazine EVE vous présente ses meilleurs vœux pour 2018. Avant de regarder vers l’horizon des mois à venir, que nous vous souhaitons riches en rencontres inspirantes et en projets enthousiasmants, prenons le temps du recul sur les actualités marquantes de l’année écoulée. Voici la rétrospective 2017 du webmagazine EVE

JANVIER 2017 : L’heure du bilan pour les quotas de femmes dans les CA

L’ultimatum de la loi du 27 janvier 2011, dite « Copé-Zimmermann », est arrivé à échéance au 1er janvier 2017. Répondant à une logique de quota, cette loi oblige les grandes entreprises françaises à intégrer 40% de femmes au minimum au sein de leurs conseils d’administration.

Pari tenu pour le CAC40 et le SBF120. Les 40% sont (presque) atteints et ils ont permis une relative diffusion des rôles modèles féminins. Le dispositif a par ailleurs contribué à ancrer la conviction que la mixité est un facteur de performance.

Le bénéfice inspirationnel ne se limite d’ailleurs pas au cadre national ! La loi a en effet donné naissance à l’Indice Zimmermann, co-crée par Ethics & Boards et l’Institut du Capitalisme Responsable. Indépendant, cet outil de mesure qui vise à évaluer les progrès et effets de la mixité de la gouvernance à l’échelle européenne a été salué comme une initiative modèle au Global Women Summit de Tokyo.

« Copé-Zimmermann » inspire aussi à l’échelle européenne. Mais le combat initié par Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne et commissaire chargée de la justice, pour élargir ce quota impératif à l’ensemble de l’Union n’a malheureusement pas (encore ?) porté ses fruits.

A noter que si la mixité a progressé dans les CA, les comités exécutifs et de direction, ainsi que les sphères du top management restent à la traîne en matière d’égalité des genres. L’espoir de voir la culture de la mixité « cascader » du haut vers le bas des organisations est donc déçu… De quoi relancer la discussion sur les théories du ruissellement en matière économique et sociale, et plus généralement sur les marges du changement en contexte vertical.

FÉVRIER 2017 : Une femme à la tête de Scotland Yard

Cressida Dick, 56 ans, marquera l’histoire de Scotland Yard, institution londonienne bientôt bicentenaire. Nommée par la reine d’Angleterre le 22 février, elle est la première femme à diriger Scotland Yard. Un poste d’une immense responsabilité, notamment dans le contexte de menace terroriste, qui la place donc aux commandes des quelques 32 000 officier·es assermenté·es de la capitale qui assurent la sécurité du Grand Londres et de ses 8,5 millions d’habitant·es.

D’autres femmes ont cette année accédé à des positions jusqu’ici réservées à la gent masculine : Nirmala Sitharaman, première femme nommée à la tête du ministère indien de la Défense le 3 septembre 2017, Jacinda Ardern nommée Première ministre néo-zélandaise le 26 octobre 2017, Nikki Haley, l’ambassadrice américaine nommée représentante permanente auprès des Nations Unies depuis le 27 janvier 2017.

MARS 2017 : Dans le monde, un 8 mars placé sous le signe des manifestations

Le mouvement Women’s March, qui s’était constitué au mois de janvier 2017 à Washington avant de se propager à travers le monde, a repris du service à l’occasion de la journée internationale du droit des femmes.

La militante Angela Davis et l’auteure Keeanga-Yamahtta Taylor, entre autres organisatrices, ont ainsi appelé les femmes à faire grève et à ne pas dépenser d’argent le 8 mars. Intitulée « A day without women », cette mobilisation visait en effet à faire prendre conscience du rôle des femmes dans l’économie. 

Les américaines ne sont pas les seules à s’être mobilisées ce jour-là. En Irlande, des femmes ont ainsi manifesté pour faire abroger l’amendement interdisant l’avortement. D’autres manifestations de soutien à ces dernières ont eu lieu à Londres, Amsterdam et ailleurs. 

AVRIL 2017 : Malala Yousafzai nommée messagère de la Paix par l’ON

Malala Yousafzai est un symbole. Cette militante pakistanaise des droits des femmes fut la plus jeune lauréate de l’histoire des Prix Nobel de la Paix, qu’elle a obtenu en 2014, alors qu’elle était âgée de 17 ans. Dès lors, elle a fait de l’accès des jeunes filles à l’éducation son cheval de bataille, et a été nommée à ce titre Messagère de la Paix par l’ONU le 10 avril 2017, une distinction dont elle est également la benjamine.

La jeune activiste a depuis créé une ONG, le « Malala Fund », qui se destine à investir trois millions de dollars pour financer et promouvoir l’éducation des jeunes femmes dans le monde. L’initiative a déjà porté ses fruits : au Nigéria, une des campagnes de l’ONG pour rendre la scolarité obligatoire jusqu’à 12 ans au lieu de 9 a donné lieu au vote d’une loi dans ce sens.

MAI 2017 : La charge mentale sur le devant de la scène

Introduite dans les années 1980 par la sociologue Monique Haicault, la notion de « charge mentale » s’est popularisée à vitesse grand V en 2017, par la grâce d’une BD virale signée de l’illustratrice Emma.

Publié le 9 mai, son post est partagé plus de 25 000 fois en une nuit, traverse rapidement les frontières  et permet de relancer dans les foyers la discussion sur les responsabilités domestiques et familiales sous un angle autre que celui du temps passé par chacun·e à effectuer les « corvées ». Car la charge mentale, c’est l’attribution informelle du poste de cheffe de projet « gestion maison » aux femmes, lorsque les compagnons masculins se positionnent en « exécutants » proposant leur « aide ».

JUIN 2017 : Le repos d’une guerrière

Simone Veil, figure internationale des droits des femmes, est décédée le 30 juin à l’âge de 89 ans. Incarnation mémorielle de la Shoah et ministre de la santé du gouvernement d’Edouard Balladur, nous lui devons, entre autres, l’adoption en 1974 de la loi dépénalisant l’avortement.

Elle n’est pas la seule icône des droits des femmes à s’être éteinte en 2017. Rendons ainsi hommage à l’anthropologue et ethnologue Françoise Héritier, qui n’a eu de cesse de combattre les stéréotypes essentialisant les différences entre les hommes et les femmes, en forgeant notamment  la notion de « valence différentielle des sexes« .

2017 a aussi tristement vu disparaître Maryam Mirzakhani, mathématicienne d’origine iranienne et seule femme à avoir reçu la prestigieuse médaille Fields ; la correspondante de guerre britannique Clare Hollingworth, qui fut la première journaliste à rapporter les préparatifs de l’invasion de la Pologne par l’armée allemande ; ou encore la leader politique soudanaise Fatima Ahmed Ibrahim, première femme parlementaire du continent africain, élue députée en 1965.

JUILLET 2017 : 1 milliard de dollars pour l’entrepreneuriat au féminin

Suite au G20 d’Hambourg, qui s’est tenu les 7 et 8 juillet, la Banque Mondiale a annoncé la création d’un programme international destiné à l’entrepreneuriat féminin. Si la dotation de ce fonds – initialement amorcé à 325 millions de dollars et destiné à permettre une levée de plus d’un milliard de dollars – semble faible au regard des enjeux et besoins à l’échelle planétaire, il est à noter qu’il s’agit malgré tout du plus important programme de prêts publics et privés initié par la Banque Mondiale qui soit exclusivement fléché vers l’empowerment des femmes entrepreneures.

L’initiative We-Fi, pour Women Entrepreneurs Finance Initiative, a pour objectif de faciliter l’accès des femmes issues des pays émergeants aux services financiers, aux marchés et aux réseaux nécessaires pour développer une entreprise.

AOÛT 2017 :  Au Népal, une loi pour bannir le bannissement menstruel

Le « Chhaupadi », pratique héritée de l’hindouisme qui consiste à exiler les femmes de leur foyer pendant leurs règles, est depuis le 9 août passible de prison au Népal. Jugées alors impures, les femmes sont selon cette tradition contraintes à une alimentation très pauvre, interdites de toucher les hommes, le bétail ou encore les objets sacrés, et sont bannies dans des huttes éloignées du domicile.

Le cas édifiant de cette coutume interpelle sur le tabou qui pèse sur les menstruations, toutes régions du monde confondues, même si les expressions varient d’une culture à l’autre. Les débats autour du congé menstruel (autorisé depuis 1947 au Japon et qu’on retrouve aussi en Indonésie, en Corée du Sud ou à Taiwan) disent toute la complexité d’appréhender la thématique sur le plan social : pour certain·es, ce congé à qui il est reproché de conforter les opinions essentialistes et les préjugés sur le corps féminin est à rapprocher d’une forme de bannissement volontaire ; d’autres arguent de la nécessité de rendre plus visible cette dimension de la vie quotidienne des femmes afin de challenger le rapport masculino-centré au corps dans le monde du travail.

SEPTEMBRE 2017 : Les femmes vont (bientôt) pouvoir conduire en Arabie Saoudite

Une annonce attendue : le roi Salmane d’Arabie Saoudite a enfin proclamé le 27 septembre la levée de l’interdiction pour les Saoudiennes de conduire. À compter de juin 2018, elles seront donc autorisées à prendre le volant, comme c’est le cas dans tous les autres pays du monde. La Direction générale de la circulation a même assuré qu’elles seraient libres de conduire des motos et des camions !

Les Saoudiennes gagnent également du terrain sur le plan sportif : en 2012 déjà, deux femmes (l’athlète Sarah Attar et la judokate Wojdan Shaherkani) avaient été pour la première fois autorisées à participer aux Jeux Olympiques. En janvier 2018, l’Arabie Saoudite accueille la troisième manche des World Series, compétition féminine internationale de squash.

La relative détente du Royaume à l’endroit du principe de séparation et de hiérarchie des sexes ne procèderait pas, selon la plupart des observateurs/observatrices, tant de convictions politiques que de pragmatisme économique : préparant la transition post-pétrole, le Roi et son entourage auraient conscience de l’impossibilité de se priver de la moitié des talents de la population et voudraient une Arabie saoudite très compétitive sur le marché international des hauts potentiels, y compris issus d’Occident.

OCTOBRE 2017 : La grande libération de la parole

Le 5 octobre 2017, les actrices Ashley Judd et Rose McGowan déclarent dans un article du New York Times avoir été harcelées sexuellement par Harvey Weinstein. L’annonce est immédiatement suivie et amplifiée de dizaines d’autres témoignages concernant le puissant producteur.

Arrive ensuite le temps de la déferlante. Un tabou saute et les consciences s’élèvent, notamment grâce à la mise en collectif et la viralité offerte par les réseaux sociaux. Plus qu’une libération de la parole, il s’agit plutôt, comme le dit la dessinatrice Emma, d’une libération des oreilles : le monde accepte enfin d’entendre qu’au moins une femme sur cinq est confrontée à une situation de harcèlement sexuel au cours de sa vie professionnelle.

Passée l’heure de la dénonciation, des femmes de tous horizons, portées notamment par de grands noms du cinéma hollywoodien, se mobilisent pour agir. Cate Blanchett, Meryl Streep, Natalie Portman et plus de 300 personnalités américaines ont lancé le 1er janvier 2018 l’initiative Time’s up, dotée d’un fonds destiné à financer un soutien juridique aux victimes d’abus sexuels.

NOVEMBRE 2017 : L’écriture inclusive en débat en France… Et ailleurs ?

Et si l’utilisation de la langue française participait à perpétuer les inégalités entre les hommes et les femmes ? En France, cette simple question fut à l’origine d’un débat passionné autour de l’écriture inclusive, dont le principe vise à rendre visible le genre féminin caché sous un faux neutre qui a toutes les allures du masculin.

L’Académie française, entre autres détracteurs de l’utilisation de règles grammaticales moins équivoques, évoque un « péril mortel » qui aboutirait à « une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion ». De l’autre côté du spectre, les défenseurs du langage inclusif rappellent que la règle du « le masculin qui l’emporte sur le féminin » a une inscription historique non linéaire, des fondations linguistiques discutables et porte une charge symbolique pour le moins problématique.

Le sujet n’est ni nouveau ni franco-français. Lancé en France depuis une vingtaine d’année via le langage dit épicène, ce débat a 40 ans au Québec. La création d’un poste de « Gender Editor » au New York Times, spécialiste chargé.e de travailler à la présentation de l’information afin qu’elle véhicule moins de présupposés sexistes vient témoigner d’une attention de plus en plus forte accordée aux effets du langage sur les représentations collectives.

DECEMBRE 2017 : Premier Forum international de la création et du leadership féminin africain

Ce forum, qui se destine à être renouvelé annuellement, s’est tenu du 7 au 9 décembre à Laâyoune, au Maroc. Consacrant « L’image de l’Afrique dans la création littéraire africaine féminine », l’évènement a rassemblé de nombreuses leaders féminines issues des quatre coins du continent, dont des artistes, auteures, actrices associatives et politiciennes, à l’instar de la femme de lettres sénégalaise Aminata Sow Fall.

L’Afrique est décidément la bonne élève de la promotion de la mixité en cette fin d’année 2017 !  En effet, ce même mois est né le Réseau sénégalais des femmes professionnelles de l’eau et de l’assainissement. Réunissant des femmes de la Société nationale des eaux du Sénégal, de la Sénégalaise des eaux et de l’Office national de l’assainissement du Sénégal, cette initiative vise à promouvoir le leadership féminin sénégalais, notamment auprès de l‘Association africaine de l’eau à laquelle elle s’est affiliée.

Sans oublier, bien sûr, la première édition Afrique du Programme EVE qui a eu lieu à Dakar du 12 au 14 décembre !